Enquête concurrentielle sur le marché de la collecte de trafic Internet sur le réseau commuté : rapport final - février 2002 (publiée en octobre 2002)


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Sommaire

I. Le marché en cause
I.1. Définition du marché considéré
I.2. Estimation du marché

II. Analyse concurrentielle du marché

II.1. Les caractéristiques de la demande
       II.1.1. L'état de la demande : le marché des FAI aujourd'hui
       II.1.2. La politique d'achat des FAI
       II.1.3. La faculté des FAI de changer de fournisseur
       II.1.4. Les critères de choix "objectifs" des FAI
       II.1.5. Les partenariats actuels
       II.1.6. Les premiers effets de l'IFI vus des FAI : une baisse des prix à la minute (# forfaits illimités)
II.2. Les caractéristiques de l'offre
       II.2.1. Rappel historique : les conditions d'entrée des opérateurs sur ce marché
       II.2.2. La situation actuelle de l'offre
                a) Structure et parts de marché
                b) Le pouvoir de marché de France Télécom
                c) L'évolution des prix de collecte proposés par les opérateurs
                d) Les premiers effets de l'IFI vu des opérateurs
                e) Les facteurs structurants, de nature réglementaire, sur l'évolution de l'offre

III. Perspectives 2002 du marché de la collecte
III.1. Evolution en volume et en valeur
III.2. Evolution de la structure du marché
         III.2.1. Une poursuite probable de la concentration côté FAI et côté collecteurs
         III.2.2. Un marché nécessitant un engagement risqué de la part des opérateurs
         III.2.3. Pas de nouveaux entrants en 2002

IV. Synthèse et recommandations au régulateur

Annexe 1 : liste des acteurs rencontrés
  

 

Conformément à la décision de l’Autorité n° 01-898 en date du 5 octobre 2001, une enquête concurrentielle a été engagée au cours de la période de novembre 2001 à février 2002 sur le marché de la collecte Internet à bas débit. Au cours de cette période, les rapporteurs ont rencontré l’ensemble des acteurs opérant de manière significative sur ce marché, en qualité d’offreurs ou de clients. Une quinzaine d’entretiens se sont tenus au total.

Cette enquête avait pour objectif de réaliser une évaluation du fonctionnement – fin 2001 – de ce marché par l’analyse des principaux paramètres mesurant le degré et les conditions de concurrence (nombre et typologie des acteurs, parts de marché, existence de barrières à l’entrée, possibilités d’arbitrage entre plusieurs offres concurrentes,…). L’analyse a conduit également a examiner les perspectives de ce marché en 2002 (cf. partie III.).

Le présent rapport a pour objet d’exposer de manière exhaustive l’analyse tirée de l’enquête et d’en restituer les principales conclusions en terme de régulation.


I. Le marché en cause

I.1. Définition du marché considéré

L’enquête a porté exclusivement sur le marché de la collecte de trafic Internet commuté ou bas débit, segment considéré comme pertinent pour les raisons suivantes :

- l’accès à Internet à bas débit se distingue de l’accès à Internet à haut débit – lequel peut d’ailleurs lui-même couvrir plusieurs segments de marché distincts : par la nature même des offres, le niveau des prix et les usages, les services rendus sur ces deux marchés ne sont pas substituables ;

- le marché de la collecte Internet se distingue du marché final de l’accès à Internet, par la qualité des offreurs et intervenants sur ces deux marchés ; le marché en cause est en effet un marché intermédiaire, sur lequel les clients sont les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et les offreurs des opérateurs de télécommunications ;

- dans le cas général, l’opérateur prend livraison de son trafic au niveau de son point de raccordement au réseau de France Télécom par le biais de l’offre d’interconnexion indirecte figurant au catalogue d’interconnexion ; cette prestation, fournie dans le cadre de l’interconnexion, et qui fait l’objet d’une analyse particulière dans le cadre de l’enquête relative à l’interconnexion, est en principe à distinguer de la collecte de trafic Internet, fournie par les opérateurs (dont France Télécom) et qui consiste en l’acheminement du trafic jusqu’au point de présence du FAI.

Le marché de la collecte peut ainsi être défini comme la rencontre entre l’offre des opérateurs disposant d’un réseau IP interconnecté au réseau de France Télécom et capables de collecter le trafic des internautes et la demande des fournisseurs d’accès à Internet souhaitant rendre accessibles leurs services aux internautes. Ce sont ainsi les FAI qui sont considérés comme les consommateurs sur ce marché ; les clients finals internautes n’ont en effet pas de relation directe avec le transporteur ou collecteur de trafic.

Schématiquement, le périmètre de l’enquête se présente ainsi de la manière suivante :

Ce marché peut lui-même être segmenté en plusieurs sous-segments ; on peut ainsi distinguer plusieurs types de prestations de collecte sur le marché en cause :

- selon le type d’offres fournies au client final :

   - les offres dites "sans abonnement"  facturées à la minute au client final par l’opérateur de boucle locale (le plus souvent France Télécom) pour son propre compte ou pour le compte d’un opérateur tiers, et qui permettent au client de bénéficier des services d’un FAI sans formalité de souscription particulière ;

   - les offres facturées au client final par le fournisseur d’accès à Internet et prenant la forme d’un forfait, lesquelles sont majoritaires sur le marché ;

- selon le mode de tarification adopté vis-à-vis du FAI : dans tous les cas, le FAI rémunère l’opérateur pour la prestation de collecte du trafic jusqu’à son point de présence ; cette rémunération peut s’appuyer sur :

   - une tarification à la minute, qui peut dans certains cas être accompagnée d’un reversement au FAI en fonction du volume de trafic qu’il génère (cas des offres dites "payantes" pour l’appelant, c’est à dire facturées par l’opérateur de boucle locale pour le compte d’un opérateur tiers, ce dernier reversant au FAI une partie de la recette qu’il perçoit) ;

   - une tarification forfaitaire, sur la base de l’offre d’interconnexion forfaitaire de France Télécom (IFI) ; au stade actuel de développement de ces offres, il n’a pas été considéré pertinent de distinguer, au sein du marché en cause, un sous-marché spécifique de la collecte forfaitaire ; cette prestation fait néanmoins l’objet d’une analyse particulière dans le cadre du présent rapport, compte tenu de son impact sur le fonctionnement du marché en cause ;

- selon la prestation fournie :

   - la collecte de trafic avec livraison en RTC pour les FAI souhaitant maîtriser les NAS ;

   - la livraison en IP.


I.2. Estimation du marché

 

2000

2001

variation

 Volume (milliards mns)

28,9

54,1

87,2 %

 CA estimé (millions €)

450

700

55 %

. En volume

          Volume de trafic internet commuté

Source : site internet de France Télécom, Relations avec les investisseurs.

Avec l’IFI, il peut être également pertinent de valoriser le marché en nombre de portes. .La conversion du volume de minutes dépend du remplissage des portes qui est un paramètre propre à chaque FAI en fonction de la qualité de service voulue par le FAI. Si on considère un remplissage de 14 000 minutes par mois par porte(1), le marché représente 360 000 portes fin 2001.

En 2001, le trafic Internet a crû de 87,2 %. La courbe montre une tendance à une diminution de la croissance du trafic internet à compter du deuxième trimestre 2001. Ce ralentissement de croissance combiné à une forte baisse des prix a pu donner lieu à une baisse du chiffre d’affaires mensuel sur la fin de l’année 2001.

La croissance en 2002 risque d’être moins importante. En effet, la migration des abonnés vers l’ADSL ne sera pas forcément compensée par de nouveaux abonnés, d’autant que les abonnés migrant vers l’ADSL devraient logiquement être les consommateurs les plus importants.

. En valeur

Si l’on considère un prix moyen à la minute fin 2001 de 1,1 centimes d’€ et un volume mensuel de 5,1 milliards de minutes, la collecte de trafic représente un chiffre d’affaires mensuel de 56 millions €.

 

II. Analyse concurrentielle du marché

II.1. Les caractéristiques de la demande

II.1.1. L’état de la demande : le marché des FAI aujourd’hui

Le marché des FAI traverse actuellement une phase de consolidation rapide. Aujourd’hui, cinq FAI représentent l’essentiel du marché : Wanadoo, AOL, Club Internet, Tiscali et Free.

L’estimation de leurs parts de marché en volume à fin 2001, sur la base des éléments recueillis, se présente de la manière suivante :

En volume, sur un total estimé à 5 milliards de minutes mensuelles environ, Wanadoo et AOL représentent respectivement un volume de 1,6 et 1,7 milliard de minutes. Tiscali se situe derrière avec 600 millions de minutes environ, suivie de Free et Club-Internet (respectivement 450 et 420 millions de minutes). Oreka représente 45 millions de minutes par mois.


II.1.2. La politique d’achat des FAI

Du point de vue de leur politique d’achat, il convient de distinguer :

- les FAI appartenant à un groupe disposant par ailleurs d’un réseau et ayant recours en totalité à des prestations internes de collecte de trafic :

    - Wanadoo (3 millions d’abonnés actifs) fait appel de manière exclusive à sa maison-mère France Télécom, qui dispose ainsi  de fait d’un segment "captif" qui représente une part importante de ce marché ;

     - Free a également recours à des prestations internes par le biais de Free Télécom ;

- les FAI "indépendants" :

   - avec 1 million d’abonnés actifs fin 2001, AOL génère un volume de trafic aussi important, voire supérieur, à Wanadoo, et représente 66 % du marché "ouvert" (hors Wanadoo). La forte consommation des abonnés d’AOL peut notamment provenir des abonnés "illimités" inscrits entre octobre 2000 et mai 2001. Quoiqu’il en soit, AOL dispose ainsi d’une position très forte de négociation vis à vis des "collecteurs" ; elle n’a pas d’accord d’exclusivité avec un opérateur de réseau en particulier ;

- les FAI qui bien qu’appartenant à un groupe disposant par ailleurs d’un réseau, ne confient pas tout leur trafic au réseau de leur groupe :

   - Club-Internet ne dispose pas d’accord d’exclusivité avec Siris : elle est ainsi libre de confier son trafic au collecteur de son choix, même si à prestations et tarifs équivalents, elle fait appelle au groupe (clause de préférence) ;

   - la moitié du trafic de Tiscali est collectée en interne sur le réseau de A Télécom (groupe Tiscali), l’autre moitié est collectée par d'autres opérateurs.

Au total, pour un opérateur indépendant des FAI, 52 % du marché est considéré comme fermé car captif d’un groupe intégrant les activités de FAI et de collecteur : le marché "non captif" pourrait même se réduire si Tiscali décide d’augmenter la part de trafic collecté sur son propre réseau :

II.1.3. La faculté des FAI de changer de fournisseur

De manière générale, les FAI ont profité pleinement de la concurrence entre les collecteurs : ainsi, les contrats proposés aux FAI paraissent comporter rarement des engagements de durée. Les prix de collecte dépendent des volumes de trafic mais les opérateurs semblent rarement en mesure d’imposer des engagements en termes de volume.

Par ailleurs, l’existence de certains procédés techniques a contribué à la vivacité de la concurrence sur ce marché et à la baisse des prix. La facilité avec lequel un FAI peut faire migrer son trafic d’un opérateur à l’autre dépend ainsi beaucoup de son dialer (kit de connexion). Si ce dialer peut être programmé à distance, le FAI est en position de force. Si le FAI a recours à l’accès à distance préprogrammé dans Windows, la manœuvre est plus délicate : le FAI doit demander à ses abonnés de changer manuellement le numéro 0860 dans le logiciel de connexion.


II.1.4. Les critères de choix "objectifs" des FAI

Le prix est sans conteste le critère déterminant de choix d’un opérateur. Les FAI procèdent par appel d’offre renouvelé à échéance régulière (en règle générale deux fois par an : au moment du catalogue d’interconnexion et en milieu d’année), ce qui leur permet de faire jouer à plein la concurrence par les tarifs.

Au-delà des tarifs, les conditions opérationnelles, telles que le délai de mise à disposition des capacités peuvent influer sur la décision ; la couverture géographique devient un critère de choix moins significatif, compte tenu du niveau de déploiement actuel des opérateurs ; elle influe cependant fortement sur les prix que les opérateurs peuvent consentir aux FAI.


II.1.5. Les partenariats actuels

A fin 2001, le marché des FAI se répartit entre les opérateurs de la manière suivante :


II.1.6. Les premiers effets de l’IFI vus des FAI : une baisse des prix à la minute (¹  forfaits illimités)

Si les FAI ont eu jusqu’à présent une grande faculté de choix de leur opérateur de collecte, cette situation pourrait évoluer avec le développement des offres de collecte forfaitaires : les caractéristiques de l’IFI ne permettent qu’aux opérateurs réalisant les plus gros volumes de profiter de cette offre et de faire des offres de collecte forfaitaires attractives aux FAI. En général, les opérateurs qui ne se sont pas engagés sur l’IFI ne sont plus en mesure aujourd’hui d’opérer sur le marché de la collecte Internet dans de bonnes conditions. La faculté de choix d’un opérateur par un FAI est donc plus réduite depuis 2001.

AOL, principal militant en faveur de l’IFI et des forfaits illimités, tente actuellement de faire jouer la concurrence entre opérateurs afin d’obtenir une offre de collecte forfaitaire appuyée sur le catalogue 2002. Les autres fournisseurs d’accès rencontrés n’envisagent pas de recourir à une collecte forfaitaire mais souhaitent conserver un prix à la minute et le faire baisser. Du point de vue des offres de détail, fin 2001, aucun FAI (même AOL) ne parait sur le point de commercialiser des forfaits illimités : tous cherchent plutôt à rendre rentables les forfaits 50 heures / 15 euros (Free, Tiscali, et … AOL).

 

II.2. Les caractéristiques de l’offre

II.2.1. Rappel historique : les conditions d’entrée des opérateurs sur ce marché

Le marché de la collecte Internet s’est formé à partir de la fin de l’année 1999, période à laquelle les mécanismes d’interconnexion définis par l’Autorité, permettant aux opérateurs tiers d’intervenir en concurrence avec France Télécom, ont commencé à produire leurs premiers effets.

  • 2000 : année euphorique
  • L’année 2000 est marquée par une explosion du volume de trafic Internet (+ 177 %, source observatoire des marchés). Fin 1999, les numéros 0860 et 0868 ont été réservés pour les services Internet et le catalogue d’interconnexion 2000 inclut une offre d’interconnexion indirecte pour les 0860 gratuits pour l’appelant(2). Le schéma d’interconnexion indirecte est élargi aux 0860 payants(3) pour l’appelant courant 2000.

    Les opérateurs voient ainsi s’ouvrir à eux un marché très prometteur. 9 Télécom avec le trafic de Free puis d’Oreka, Worldcom avec le trafic de Club Internet, Cégétel-TD avec une partie d’AOL, et France Télécom avec Wanadoo et AOL profitent également de cette opportunité.

    L’explosion du volume de trafic Internet requiert des capacités d’interconnexion importantes. Télécom Développement, seul opérateur alternatif à disposer de capacités d’interconnexion suffisantes, est ainsi le grand gagnant de l’année 2000 : la plupart des opérateurs confient leur trafic Internet à TD en attendant de disposer de capacités d’interconnexion suffisantes pour collecter directement le trafic sur leur réseau. TD collecte par exemple en 2000 le trafic de Club Internet pour le compte de Worldcom.

    Completel se lance également sur le marché de la collecte de trafic Internet en complément de son activité principale d’opérateur de boucle locale pour entreprises. Ses interconnexions sur un certain nombre de commutateurs d’abonnés, en particulier à Paris, lui permettent d’être compétitive et rentable sur ces zones en ayant recours à des opérateurs tiers pour couvrir le reste de la France.

  • Début 2001 : opérateurs ambitieux et livraison des capacités d’interconnexion
  • Constatant le potentiel du marché de la collecte de trafic Internet et s’appuyant sur des prévisions favorables, plusieurs opérateurs nourrissent des ambitions de prise de part de marché en 2001. C’est le cas de Siris qui début 2001 vise 850 millions de minutes par mois à la fin de l’année. Siris respecte ses prévisions de croissance sur les six premiers mois en atteignant 450 millions de minutes mensuels et une dizaine de FAI clients résidentiels, dont T-Online et AOL, et des accès professionnels.

    Par ailleurs, les capacités d’interconnexion commandées à France Télécom l’année précédente sont livrées, ce qui permet à des opérateurs tels que Worldcom ou Free Télécom de faire migrer leur trafic auparavant confié à un opérateur tiers sur leur propre réseau.

  • 2001 : retournement de conjoncture, mouvement de consolidation chez les FAI, surcapacités, IFI
  • La croissance du volume de trafic Internet commuté semble ralentir depuis le deuxième trimestre 2001. La migration des " gros " internautes sur des abonnements haut débit et le retournement de conjoncture qui met fin à la guerre des prix peuvent expliquer ce ralentissement de croissance, s’il est avéré.

    En parallèle, l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs (Free Télécom, puis LDCom et Kaptech) et la livraison des capacités d’interconnexion par France Télécom fait passer le marché d’un état de sous-capacité à satisfaire une demande fortement croissante à un état de sur-capacité par rapport à un marché saturé.


    II.2.2. La situation actuelle de l’offre

    a) Structure et parts de marché

    L’estimation de la part de marché des opérateurs, en volume, à fin 2001, se représente au total de la manière suivante :

    Sur un volume total estimé à 5 milliards de minutes par mois, le groupe France Télécom réalise ainsi plus de 2,5 milliards de minutes, et Télécom Développement en collecte un milliard environ. Free, Tiscali et LDCom se situent à un niveau équivalent, autour de 300 à 450 millions de minutes mensuelles.

    La concentration s’est donc accentuée ces derniers mois, dans un contexte de marché encore en évolution du fait des effets de l’IFI. Par sa structure même, l’IFI introduit dans les faits une barrière à l’entrée, de nature tarifaire, nouvelle, et pousse à la concentration du marché.


    b) Le pouvoir de marché de France Télécom

    En volume de trafic collecté, la part de marché de France Télécom atteint 51 % au total. Par nature, l’IFI pourrait profiter en premier lieu à France Télécom, renforçant ainsi cette part. Cette évolution a été constatée par l’OFTEL en ce qui concerne FRIACO.

    Compte tenu de la position de France Télécom sur le marché de l’interconnexion, la question se pose de savoir si elle bénéficie de ce fait de leviers importants sur le marché de la collecte, qui rendraient ses offres plus attractives. La régulation qui s’exerce sur le marché de l’interconnexion doit en principe permettre de s’assurer que France Télécom n’utilise pas abusivement sa position sur le marché connexe de la collecte, non régulé, en ce qui concerne par exemple les tarifs ou les conditions opérationnelles.

    Toutefois, l’évolution du marché sur la période à venir appellera une attention particulière. Les tarifs de collecte forfaitaire proposés par France Télécom pourraient également mériter une analyse plus approfondie, même s’ils étaient jusqu’à présent estimés dans la moyenne supérieure du marché par les opérateurs concurrents et les FAI.

    En outre, la question de l’obligation pour France Télécom de publier ces offres, pourrait faire l’objet d’une attention particulière. De sa propre initiative en effet, France Télécom a considéré ne pas être tenue à cette obligation, ce que l’ART et les ministres n’ont pas réellement contesté. Si cette opacité a été relevée comme un handicap par certains, l’enquête paraît cependant conclure au fait que, d’une part le marché apparaît globalement transparent, d’autre part que France Télécom ne semble pas véritablement en situation de déterminer ses prix indépendamment de ses concurrents ni de leur "dicter" le niveau de leurs propres tarifs. Dans ces conditions, une obligation de transparence complète imposée à France Télécom seule semblerait in fine disproportionnée dans la situation actuelle du marché.


    c) L’évolution des prix de collecte proposés par les opérateurs

    La baisse des prix a été extrêmement rapide sur l’année 2001 ; pour 2002, l’enquête tend à conclure à une stabilisation, voire une hausse, du fait des conséquences des évolutions apportées à l’offre d’interconnexion forfaitaire sur les opérateurs les plus importants.

    Fin 2001, le prix de marché, estimé sur la base des tarifs de collecte à la minute pondérés par les parts de marché des opérateurs, se situe environ à 1,1 centime d’euro par minute, soit à un niveau très proche du niveau PRO 2001.

    Au moment de l’enquête, la plupart des opérateurs n’avaient pas encore construit leur offre de collecte forfaitaire sur la base des conditions d’interconnexion 2002. L’offre IP Extenso de France Télécom, datant du 1er janvier 2002, se situait à un tarif de 115 à 165 euros par porte. Cegetel nous a signalé toutefois avoir beaucoup de mal à concurrencer cette offre ; son propre tarif se situerait autour de 160 euros par porte. France Télécom a procédé à une baisse de ces tarifs, lesquels se situent ainsi entre 110 et 147 euros par porte à compter du 1er mars 2002.


    d) Les premiers effets de l’IFI vu des opérateurs

    L’IFI a représenté un bouleversement des règles du jeu globalement mal perçu par les opérateurs. Si l’offre 2001 était jugée extrêmement favorable par tous les opérateurs à cause du débordement, l’offre 2002 est perçue de manière négative par certains à cause de la suppression du débordement, et comme un bon compromis par d’autres.

    L’IFI a entraîné une baisse des prix dès juin 2001. Les prix planchers semblent ainsi avoir atteint le niveau PRO minute. Les opérateurs ne s’engageant pas dans l’IFI paraissent voués à être exclu du marché de la collecte Internet.

    L’IFI représente des économies d’autant plus importantes que le volume de trafic est important (cf. analyse ci-après). Certains opérateurs considèrent donc que l’IFI est un dispositif " élitiste " qui risque de ne laisser survivre que les plus gros collecteurs, à commencer par France Télécom.

    Estimation de l’effet de volume de l’IFI

    L’IFI a un fort effet volume qui risque d’accélérer la sortie du marché des " petits " collecteurs, faute de pouvoir rester compétitifs avec les " gros " opérateurs (au premier rang desquels France Télécom). Les graphiques suivants permettent d’illustrer cet effet.

    PRIF

    CA

    En premier lieu, l’IFI n’est pas utilisable en dessous d’un certain volume de trafic : approximativement 3 à 3,5 millions de minutes par an sans débordement et 4,5 à 5 millions par an avec débordement, volumes déjà importants pour un CA.

    Les graphiques précédents montrent en second lieu que sur un point d’interconnexion, un opérateur doit collecter un minimum de trafic pour atteindre l’asymptote de la courbe des coûts d’interconnexion (effet compétitif maximal de l’IFI), respectivement approximativement 12 millions de minutes par an aux CA et 100 millions de minutes par an aux PRIF.

    L’asymptote de la courbe correspond ainsi à un opérateur collectant aux CA un volume de trafic Internet supérieur à 600 millions de minutes par mois, soit plus de 12% du marché.

    L’asymptote de la courbe correspond à un opérateur collectant aux PRIF un volume de trafic Internet supérieur à 150 millions de minutes par mois, soit 3% du marché.

    L’effet compétitif de l’IFI maximal ne peut donc être atteint que par un opérateur ayant atteint un volume critique, c’est à dire ayant pour client l’un des cinq FAI majeurs.


    e) Les facteurs structurants, de nature réglementaire, sur l’évolution de l’offre

    Mise à part l’interconnexion forfaitaire, plusieurs éléments, touchant à la régulation, sont estimés pénalisants par les opérateurs pour la mise en place d’offres de collecte compétitives.

       - Le poids du service universel

    L’IFI baisse de manière très importante le coût de la collecte de trafic Internet (jusqu’à - 30% en fonction de la situation de l’opérateur). Dans ces conditions, le service universel représente un poids de plus en plus important pour les opérateurs collectant du trafic Internet et les fournisseurs d’accès à Internet : 0,14 centime d’euro par minute dans un marché où la minute Internet s’achète désormais à un prix proche de 1 centime d’euro, soit une surcharge de près de 15 % des coûts de collecte du trafic.

    Dans ce contexte, l’ensemble des acteurs rencontrés a insisté sur l’urgence de modifier la méthode de calcul des contributions au financement du service universel en se référant non plus au volume de trafic mais à un chiffre d’affaires.

       - Le processus opérationnel de commande et de livraison de BPN

    Dans un marché où les FAI peuvent faire jouer la concurrence, les processus de commandes et de livraison d’interconnexion de France Télécom est un lourd handicap. L’ajustement des capacités d’interconnexion prend jusqu’à 9 mois alors qu’il est extrêmement difficile de faire des prévisions de volume de trafic à une telle échéance dans un marché aussi concurrentiel.

    La situation est aggravée par l’IFI qui impose une interconnexion dédiée au trafic Internet et un engagement de l’opérateur sur des montants importants.

       - La colocalisation des NAS

    Un opérateur a évoqué la possibilité de colocaliser ses NAS chez France Télécom. Ceci permettrait aux opérateurs de diviser par un facteur de 4 à 8 la taille de leurs liaisons de raccordement CA/PRO-PoP.

       - L’absence d’offre d’interconnexion indirecte avec facturation pour compte de tiers pour les 0868 payants pour l’appelant

    France Télécom refuse toujours d’ouvrir des 0868 en interconnexion indirecte avec facturation pour compte de tiers. Certains opérateurs considèrent pourtant que la demande existe (kit de connexion surtaxée).

    III. Perspectives 2002 du marché de la collecte

    III.1. Evolution en volume et en valeur

    Si en 2001, le trafic Internet a crû de 87,3 %, la croissance en 2002 risque d’être moins importante. En effet, la migration accélérée des abonnés vers l’ADSL ne sera pas forcément compensée par de nouveaux abonnés, d’autant que les abonnés migrant vers l’ADSL devraient logiquement être les consommateurs les plus importants.

    En terme de valorisation, le chiffre d’affaires ne devrait pas augmenter dans les mêmes proportions qu’en 2001, surtout si les prix de collecte baissent au point de compenser la hausse du trafic.


    III.2. Evolution de la structure du marché

    III.2.1. Une poursuite probable de la concentration côté FAI et côté collecteurs

    En 2002, le mouvement de concentration côté FAI et côté " collecteurs " pourrait se poursuivre en 2002.

    La concentration du côté de la demande est déjà très avancée : trois acteurs (AOL, Club Internet et Tiscali) représentent quasiment 100% du marché non captif. Un opérateur ne collectant pas une partie du trafic de l’un de ces trois acteurs est voué à sortir du marché. Même si les FAI ont tendance à s’approvisionner auprès de 2 ou 3 collecteurs, la concentration de la demande devrait entraîner une réduction du côté des fournisseurs.

    L’effet volume de l’IFI favorise également une réduction du nombre de collecteurs puisque ceux-ci doivent atteindre un volume de trafic critique pour profiter à plein de l’IFI et rester compétitif. L’IFI pourrait indirectement favoriser l’achèvement de la concentration côté FAI dans la mesure où l’effet volume de l’IFI peut inciter les opérateurs à proposer des

     

    III.2.2. Un marché nécessitant un engagement risqué de la part des opérateurs

    Dans le contexte de la concentration côté demande et de l’IFI, les opérateurs " opportunistes " entrés sur le marché en 2000 ou 2001 ne pourront y rester. Le marché de la collecte de trafic internet commuté demande désormais un engagement risqué de la part des opérateurs : commandes d’IFI en masse, politique commerciale agressive afin de conserver des clients FAI importants et atteindre un volume de trafic critique.

    III.2.3. Pas de nouveaux entrants en 2002

    Un nouvel entrant en 2002 devrait impérativement atteindre rapidement un volume de trafic critique pour pouvoir, grâce à l’IFI, soutenir des prix de collecte de trafic proches du tarif d’interconnexion PRO minute (1,1 centimes d’€ / minute SU inclus) fin 2001. En outre ce nouvel entrant ne pourrait probablement pas percer sans une interconnexion aux CA.

    On voit mal maintenant quel nouvel acteur oserait en 2002 risquer de se lancer sur le marché en 2002 en tant que quatrième ou cinquième arrivant en face d’une demande répartie entre seulement trois FAI.

    La concentration de la demande, d’une part, l’IFI, d’autre part, non seulement limitent le nombre d’opérateurs présents sur le marché mais nécessitent en outre un engagement risqué de la part de ceux-ci.

     

    IV. Synthèse et recommandations au régulateur

    Au total, l’enquête montre que si une concurrence effective prévalait incontestablement sur le marché de la collecte Internet sur la période de 2000 à mi-2001, la situation semble aujourd’hui s’être sensiblement modifiée. Ce marché pourrait appeler une vigilance accrue du régulateur sur le court terme.

     

    Plusieurs éléments d’importance diverse paraissent devoir appeler l’attention et l’action du régulateur :

    • le service universel : les actions déjà engagées pour réduire le poids du service universel sur le marché de l’Internet par l’évolution de son mode de calcul, devraient avoir un impact positif sur le niveau des offres de collecte et conséquemment la baisse des prix pour le client final ;

    • l’évolution de l’interconnexion forfaitaire : plusieurs pistes ont été évoquées par les opérateurs pour atténuer les effets négatifs de l’IFI : maintien du débordement, extension du mode forfaitaire à l’ensemble du trafic, amélioration des processus opérationnels de commande ;

    • une surveillance accrue des tarifs de collecte forfaitaire de France Télécom : une analyse précise des éventuels effets de ciseau tarifaire générés par ces tarifs apparaît nécessaire et pourrait faire l’objet d’échanges de vues sur les paramètres utilisés avec les acteurs rencontrés dans le cadre de l’enquête ; cette surveillance suppose le maintien de la procédure de notification préalable de ses tarifs par France Télécom à l’ART. Par ailleurs, la question de la publication par France Télécom de ses tarifs de collecte ne semble pas, dans la configuration actuelle du marché, appeler une action spécifique de la part du régulateur ; elle pourrait néanmoins être utilement réexaminée dans les prochains moins, en fonction de l’évolution constatée de ce marché. A fortiori, la question de la soumission des offres à l’homologation tarifaire ne paraît pas non plus d’actualité aujourd’hui ;

    • la mise en place de conditions d’interconnexion adéquates sur le marché des numéros 0868 payants pour l’appelant, dont le potentiel a été souligné par certains opérateurs et la faculté pour les opérateurs de colocalisation les NAS dans les sites de France Télécom.

     

     

    Annexe 1 : liste des acteurs rencontrés


    Opérateurs


    FAI

    Free

    Tiscali

    Altitude Télécom / NormandNet

    Completel

    Oreka

    Worldcom

    Club-Internet

    Télécom Développement

    AOL

    Cegetel

    Wanadoo

    Siris

    InterPC

    LDCom

      

    9 Telecom

     

    France Télécom

     

    Cable & Wireless

     

    UPC

     

    __________________________
    (1) Cela correspond à des données fournies par un FAI et environ 20 abonnés par porte consommant 11 heures par mois en moyenne.
    (2) Facturés directement par les FAI, typiquement les forfaits.
    (3) Facturés par France Télécom, typiquement les offres sans abonnement.


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