TELEPHONIE ET QUALITE DE SERVICE
ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES

Olivier COULY - QUALIOPE SA

CONTEXTE

    1. L'enjeu qualité 

La nouvelle réglementation des télécommunications est une réalité dont les grands utilisateurs sont les premiers bénéficiaires. Cette libéralisation a entraîné une guerre des prix. Entre 50 et 60 opérateurs privés sont présents sur le marché français et proposent des rabais de 20 à 30 % sur les tarifs de l'opérateur historique. Première conséquence, une clientèle de plus en plus volatile fait son "marché" télécoms chez le plus offrant.

Les entreprises ne sont plus à même d'avoir une vision globale des services rendus, car à une réduction des prix est parfois associée une réduction de la qualité de service. Le choix d'un opérateur de télécommunications est pour les entreprises un casse-tête. Une erreur dans ce domaine peut coûter cher : lignes saturées, appels non aboutis, fax défaillant ne facilitent pas leurs relations commerciales.

Autre constat : les entreprises qui changent d'opérateur sont intéressées par des prix plus compétitifs, et deviennent aussi extrêmement sensibles à la qualité de service offert.

De leur côté, les opérateurs incluent dans leurs contrats des engagements sur le niveau de service, "Service Level Agreement" (SLA). Peu ou pas applicables, les SLA ne constituent pas la mesure objective attendue pas les opérateurs.

2. Les révélations de l'étude Qualiope

Qualiope vient de réaliser une étude exclusive auprès des opérateurs européens avec l'institut Carniel Marketing. Les résultats de cette étude soulignent le besoin urgent d'un indicateur de qualité chez les opérateurs, à rapprocher d'un rapport de l’IDATE (Institut Européen de l’Audiovisuel et des Télécoms) selon lequel "Les opérateurs qui survivront seront non seulement ceux qui auront la capacité de développer un marché de masse, mais aussi ceux qui sauront convaincre, au plus vite, du sérieux et de la qualité de l'offre".

62,5 % des opérateurs privés de télécommunication déclarent qu'ils veulent privilégier à l'avenir la qualité de services dans leur offre commerciale.

93,8 % des opérateurs privés de télécommunication considèrent l'opérateur historique comme une référence.

91,7 % des opérateurs privés européens déclarent être intéressés par les types de contrôle que Callmétrie propose pour le service voix.

79,7 % des opérateurs privés européens de télécommunication considèrent que le service que propose Callmétrie participera au développement de leur démarche commerciale.

95,4% des opérateurs privés européens de télécommunication considèrent que le tableau de bord de Callmétrie contribuera à l'amélioration de la qualité de leurs services.

Méthodologie : Cette enquête (53 questions) a été effectuée sur un échantillon de 74 opérateurs de télécommunications en France, en Allemagne, au Royaume Uni, en Belgique, en Italie et en Espagne. En France, 71 % des opérateurs titulaires d'une licence de l'A.R.T. (Autorité de Régulation des Télécommunications) ont été interrogés et 93,5 % des interviewés au Royaume Uni sont titulaires d'une licence de l'OFTEL.

La différenciation par le service

En analysant les raisons qui poussent les clients à changer d’opérateur ou à sous-utiliser les services offerts par leurs opérateurs, il s’avère que le niveau de qualité des prestations fournies joue un rôle extrêmement important dans la décision du client de rester fidèle ou non à son opérateur de choix.

Les opérateurs ont bien compris l’importance du service. Ces derniers incluent désormais dans leurs contrats des engagements sur le niveau de service (Service Level Agreement ou SLA).

Des indicateurs simples…

Les éléments constitutifs de la qualité du service varient selon le domaine de communication considéré : voix, fax ou donnée. Dans le domaine de la voix par exemple, les indicateurs qui caractérisent la qualité de service sont le taux de réussite des appels (pourcentage des appels qui aboutissent par rapport à l’ensemble des appels passés), le temps moyen d’aboutissement d’un appel et la qualité de la communication (selon des critères comme la présence ou non d’écho, le niveau d’atténuation sonore, la présence de parasites sur la ligne,…).

… mais que nul ne sait mesurer !

Paradoxalement, ces indicateurs ne sont pas disponibles à ce jour. Certes, chaque gestionnaire de réseau sait mesurer la qualité de son réseau. A titre d’illustration. Mais la proportion d’appels ne transitant que par un seul réseau est relativement faible et tend à diminuer du fait de la prolifération des opérateurs, engendrée par la dérégulation. Le problème de la mesure se pose donc pour tout appel transitant par plusieurs réseaux et nul ne sait aujourd’hui mesurer la qualité d’un appel de bout en bout.

La conséquence de cet état de fait est simple. Les SLA qui lient le client et son opérateur sont peu ou pas du tout applicables. Les relations entre opérateurs et clients n’en sont que plus délicates tant il est vrai que l’existence éventuelle d’un litige ne peut être résorbée qu’à la lumière de faits objectifs, indiscutables. Les deux parties en présence pâtissent donc d’une situation où la perception a le primat devant l’analyse objective de la réalité. Faute d’éléments tangibles renseignant sur la qualité des prestations offertes, clients et opérateurs peuvent se trouver dans des situations où la partie belle est laissée à l’expression de l’indélicatesse.

QUALITE DE SERVICE

Définition

" Effet global produit par la qualité de fonctionnement d ’un service qui détermine le degré de satisfaction de l ’usager d ’un service ", c'est ainsi que la Qualité de service est définit dans la recommandation E-800 de l'UIT.

Le schéma ci-dessous précise les différences entre Qualité de service et qualité de fonctionnement :

La simple synthèse de cette recommandation est que la qualité de service est une qualité perçue, le résultat d'une ou plusieurs qualités de fonctionnement (network performance) dépendantes des partenariats inter-carriers ou de diffèrentes technologies de transport utilisées. Ce que l'UIT appelle la servibilité est en général l'élément le plus tangible qui dénote d'une bonne ou mauvaise qualité de service vue du client.

La qualité du service assuré est une qualité objective que seul le client connaît parfaitement. Les opérateurs ont ainsi beaucoup de difficulté à la mesurer de bout en bout. La confusion est fréquente entre qualité de fonctionnement et qualité de service.

De la qualité de service subjective à la qualité de service objective

Methodes de mesures

Les méthodes permettant de mesurer la qualité du service sont :

Pendant longtemps la qualité de service, perçue par l'usager a été évaluée par des enquêtes auprès d'usagers. Cette méthode permet de mesurer une qualité de service subjective. La recommandation P11 de l'ITU détermine les paramètres d'évaluation pour aboutir à une note appelée le MOS (Mean Opinion Score). Le MOS est en général noté sur 5.

Depuis quelques années les organismes de normalisation tentent de pousser les méthodes de mesures objectives, de bout en bout. Ces méthodes se basent sur des tests et mesures sur des numéros d'essais, et mesurent des indicateurs concrets de la qualité de la liaison, à périodes préalablement définies et régulières. On parle de mesures objectives de bout en bout, non intrusives.

Comment s'exprime la qualité d'un service voix ?


Peu importe à l'usager type de savoir comment est mis en œuvre tel ou tel service ce qui l'intéresse c'est de comparer un service à un autre au regard de certains paramètres universels de qualité de fonctionnement applicables à tous les services. La qualité de service (QOS) est définie par des paramètres qui :
- ne dépendent pas de suppositions relatives à la conception interne du réseau;
- se caractérisent en fonction des effets que perçoit l'usager et non pas de leurs causes dans le réseau;
- sont décrits en termes indépendants du réseau et constituent un langage commun compréhensible par l'usager et le fournisseur du service;
- tiennent compte de tous les éléments du service susceptibles d'être mesurés objectivement au point d'accès du service.

Un exploitant de réseau s'intéresse à l'efficacité du réseau. De son point de vue, la qualité de fonctionnement du réseau est mieux exprimée par des paramètres qui renseignent sur:
- le développement du système;
- la planification du réseau;
- l'exploitation et la maintenance.

Les paramètres de qualité de service correspondant à la perception de l'usager constituent un cadre d'étude qui convient à la conception du réseau, mais ils ne sont pas nécessairement utilisables pour la spécification de critères de qualité de fonctionnement du réseau concernant telle ou telle connexion.

De même, les paramètres de qualité de fonctionnement du réseau ont un rôle primordial dans la détermination de la qualité de service, mais ils ne décrivent pas obligatoirement la qualité de service d'une manière signifiante pour l'usager.

Les deux types de paramètres sont nécessaires, et une relation doit être établie entre leurs valeurs si l'on veut qu'un réseau serve efficacement ses usagers. La définition des paramètres de qualité de service et de qualité de fonctionnement du réseau doit fournir des correspondances claires entre les valeurs lorsqu'il n'y a pas d'équivalences simples entre elles.

Ceci est un extrait de la recommandation ITU E-430.

Quels indicateurs et critères associés ?

En cours de communication, l'usager peut observer une dégradation de l'intelligibilité qui peut être causée par un accroissement de l'affaiblissement, une distorsion inacceptable, un bruit important, etc.

La qualité de la parole dépend des caractéristiques de fonctionnement et des conditions d'utilisation applicables à la liaison complète, du locuteur à l'auditeur. En général, la qualité de la parole est examinée en la subdivisant en qualité d'émission, qualité de transmission et qualité de réception .

Il est donc important de déterminer la méthode de mesure objective, non intrusive, les critères de mesure.

L'usager est sensible aux éléments suivants et capable de les évaluer de par sa propre expérience qui repose sur une référence installée par les précédents monopoles :

On peut élargir ces indicateurs à tous les services offerts en bande vocale, comme le fax et la transmission de données par modem. Les indicateurs suivants sont alors également déterminants :

La qualité de service peut donc s'exprimer par le résultat de des mesures en comparaison à la référence "historique". L'expression des tendances est un indicateur important dans la mesure de la QS.

Des économies annoncées peuvent être anéanties par la dégradation d'un ou plusieurs indicateurs ci-dessus.

Quelle est la qualité actuelle des offres existantes ?

Comme évoqué précédemment, ceci peut s'exprimer subjectivement ou objectivement.

Dans le cadre du subjectif, chaque usager a la référence de son ou ses précédents fournisseurs de services en mémoire.

En France il est généralement admis que l'opérateur historique assure une bonne qualité de transmission de bout en bout.

Avec l'arrivée de nouveaux acteurs, cette qualité est devenue variable, pour plusieurs raisons :

Les éléments le plus couramment constatés de dégradation sont :

Détail selon la recommandation ITU E-432

ELEMENTS PERCUS PAR L'USAGER PARAMETRE RESEAU
SIGNAUX VOCAUX
Volume Affaiblissement de circuit
Bruit Interruptions Bruit de circuit, bruit impulsif, diaphonie (inintelligible)
Echo (locuteur et auditeur)
et amorçage
Equilibrage du terminal, système de limitation d'écho,
retard, affaiblissement, stabilité
Retard Temps de propagation, traitement numérique
Effet local Impédance
Fidélité Quantification, distorsion non linéaire,
distorsion d'affaiblissement, largeur de bande
Tronquage Paramètres de détection de parole, mutilation de commutation, interruptions, blocage, évanouissement
Diaphonie (intelligible) Charges électriques sur câbles et porteurs, défaut d'isolement, déséquilibres
SIGNAUX NON VOCAUX
Données perdues
ou erronées
Bruit impulsif, dérives de trame, gigue, variations brusques de gain, blancs sonores,
distorsion, affaiblissement de circuit, diaphonie, interruptions, salves d'erreurs, écho
Débit Retard (et dégradations ci-dessus)
Temps de réponse Retard
Qualité des images de télécopie Dégradations ci-dessus, désynchronisation
Retransmission Bruit, interruption, désynchronisation,
distorsion de propagation de groupe, bruit impulsif

EVOLUTIONS

L'intégration des trafics voix et de données dans les réseaux ont amené les opérateurs à réfléchir à de nouveaux modes de transport. La voix "en paquet" a donc été mise au point. On retrouve ce type de transport sur les réseaux GSM (petits paquets) et dans les réseaux TCP IP (paquets de grandes tailles). Ce dernier mode de transport se révèle intéressant car il apparaît comme le protocole de "convergence".

Compte tenu du besoin important de la voix en capacité, et de sa transmission en temps réel dans un réseau pour des communications normales, ces protocoles n'ont pas de base intégré la gestion de ce nouveau type de flux.

Les évolutions permettent d'envisager de nouvelles possibilités de gestion de priorité et de flux.

Il est probable que ce type de transport se généralise. Ceci devrait prendre une petite dizaine d'années pour la retrouver sur les réseaux du type publics.

En effet, les réseaux privés devraient être les premiers testeurs de cette technologie.

Le comportement de flux" Voix sur IP" vont poser de réels problèmes aux périodes de pointes de trafic dans les réseaux.

Quant à la gestion de bout en bout des protocoles de "hiérarchisations", ceci va se faire difficilement, compte tenu de la difficulté à imposer des normes entres constructeurs diffèrents et concurrents, à l'échelle internationale.

En s'appuyant sur une qualité de fonctionnement difficile à mettre au point, on peut imaginer que la qualité de service sera affectée dans la phase de mise au point de ce type de transport.

Des dégradations nouvelles pourraient être perçues, comme on le remarque à l'heure actuelle en GSM.

Les transmissions par réseaux GSM et IP diffèrent essentiellement en deux points :

La perte ou l’inversion de paquets sera donc plus facilement perçue par l'usager sur réseau IP. Sur le réseau GSM, seules les pertes de plusieurs paquets consécutifs sont détectées.

Les méthodes de mesures objectives, non intrusives seront donc un précieux indicateur de suivi de la qualité.

Les normes ?

Dans le cadre de l'interopérabilité alors que les réseaux sont en pleines intégration du code 7, il paraît difficile d'imaginer une mise au point facile de normes réellement internationales.

On pourrait plutôt voir apparaître un standard, fruit d'une période de concentration importante autour de un ou deux acteurs.

Dans le cadre de la qualité de service, les normes de mesures de la qualité de service de bout en bout sont difficiles à établir. Des méthodologies vont sans doute se normaliser, plus que des types de mesures concrètes et très techniques peu tournées vers l'usager.

Peu importe les moyens, les usagers sont très attentifs aux résultats.

Note de l'auteur

A l'appui de ces réflexions, la société Qualiope vient de voir le jour. Cette société dont j'assume la responsabilité a mis au point le service Callmétrie de mesure de qualité de service de bout en bout.

La version actuelle de ce service permet la mesure sur le trafic voix, fax et data.

Les recommandations suivantes ITU guident les travaux de Qualiope :

E-800 / E-801 / E-411 / E-430 /E-431 / E-432 E-434 /E-450
E-453 / E-454 / E-456 / E-541
P11 - P561
T22

 

ANNEXE

Des bénéfices pour tous

La démarche proposée par Qualiope est éminemment innovante. Elle présente la propriété remarquable de satisfaire aussi bien les intérêts fondamentaux des opérateurs, à la recherche de facteurs de différenciation, que ceux des clients, désireux de faire respecter les clauses contractuelles liées au niveau de service offert (SLA).

Donner aux opérateurs les moyens de se différencier

Tout opérateur souscrivant aux services proposés par Qualiope sera en mesure d’étalonner sa performance en matière de qualité du service offert par rapport à celle de l’opérateur historique. Disposant enfin d’informations précises autour des données de callmétrie, il pourra optimiser sa politique de choix des cédantes dans le cadre de l’achat en gros de plages de communication à la lumière de la qualité du service offert ; il pourra valoriser les investissements réalisés autour des infrastructures réseau pour communiquer auprès du grand public sur le niveau de service offert. Dans tous les cas de figure, il pourra exploiter les informations de source Qualiope pour faire preuve de " proactivité ". Dans un marché où, aujourd’hui, le prix est pour ainsi dire le seul facteur de discrimination tangible, l’opérateur qui le désirera sera en mesure de mener à bien une politique de différenciation fondée cette fois sur la qualité du service offert.


©Autorité de régulation des télécommunications - Octobre 1999
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