Lignes directrices relatives
aux conditions d'acquisition de droits irrévocables d'usage
portant sur les capacités des systèmes de câbles sous-marins
dont France Télécom est co-investisseur

Adoptées par décision n° 97-455 de l'Autorité en date du 17 décembre 1997, après consultation publique effectuée du 8 octobre au 5 novembre 1997.

Sur les objectifs poursuivis par l'Autorité

En matière de trafic international, l'action de l'Autorité de régulation des télécommunications s'articule autour de trois objectifs. Ces objectifs découlent des missions confiées à l'Autorité par le législateur, telles qu'elles ressortent notamment des articles L.32-1, L.33-1 et L.34-1 du code des postes et télécommunications.

  • Il s'agit, en premier lieu, de veiller au libre exercice de la concurrence sur le marché français des services internationaux. L'Autorité a reconnu que la transition de ce marché vers un régime concurrentiel s'effectuerait sans doute plus rapidement que sur d'autres segments. Durant cette période de transition, l'Autorité souhaite s'assurer que l'ensemble des opérateurs puisse accéder dans des conditions équivalentes aux ressources nécessaires à la prestation de services internationaux.

  • Le développement de la France comme plate-forme d'acheminement du trafic international constitue un deuxième objectif de l'Autorité. Sur un marché mondial porté par une forte croissance, l'Autorité souhaite favoriser le développement de plate-formes reposant sur des noeuds de communication établis sur le territoire français. Sur ce marché, la compétitivité des acteurs établis en France aura des conséquences bénéfiques sur la balance commerciale, sur l'activité et sur l'emploi. Elle renforcera la position stratégique dont bénéficie aujourd'hui la France sur les principaux axes de communication internationaux. Enfin, elle induira des économies d'échelle dont pourront directement bénéficier les consommateurs français.

  • Ces deux objectifs en appellent un troisième : favoriser la transparence du cadre réglementaire actuel et renforcer la sécurité juridique dont bénéficient les acteurs du marché. La réalisation de ce troisième objectif contribuera aux deux premiers. Une lecture claire du cadre juridique applicable permettra à l'ensemble des acteurs de développer leurs activités dans les meilleures conditions, tant sur le marché français des services internationaux que sur celui des prestations de transit offertes aux opérateurs étrangers.

Sur les enjeux liés à l'accès aux systèmes de câbles sous-marins

A. Enjeux techniques et économiques

L'acheminement de trafic international au départ et à destination de la France peut s'effectuer en ayant recours à plusieurs catégories d'infrastructures de transmission. Les infrastructures internationales utilisées peuvent schématiquement se regrouper autour de quatre types de supports : les liaisons transfrontières terrestres, les faisceaux hertziens, les systèmes de câbles sous-marins et la capacité de segment spatial.

Chacun de ces modes de transmission présente des caractéristiques techniques spécifiques. En particulier, les réseaux par satellites et les systèmes de câbles sous-marins ne sont généralement pas jugés substituables, en raison notamment des délais de transmission, de l'existence d'effets d'écho ainsi que la dépendance aux conditions climatiques propres aux systèmes satellitaires. Les câbles sous-marins ne possèdent en revanche ni la souplesse de configuration, ni la capacité de diffusion point-multipoint propre aux systèmes de communications par satellites.

Parmi les différentes infrastructures utilisées pour l'acheminement de trafic international, la part que représentent les systèmes de câbles sous-marins est difficile à évaluer. Une analyse sommaire des flux de trafic - complétée par d'autres données - semble indiquer que près de 40 % du trafic international au départ et à destination de la France métropolitaine sont acheminés par l'intermédiaire de câbles sous-marins. Plusieurs facteurs semblent en outre annoncer un accroissement du rôle joué par ce mode de transmission : les développements de la technologie de transmission par fibre optique, l'évolution des architectures des systèmes vers plus de fiabilité et plus de souplesse, la perspective d'une croissance de la capacité disponible ainsi que les effets du développement d'Internet sur la structure de la demande du marché français sont de nature à favoriser un recours accru aux câbles sous-marins.

B. Enjeux concurrentiels

La plupart des systèmes de câbles sous-marins existants sont régis par des contrats de droit privé - dits accords de construction et de maintenance - associant plusieurs exploitants de télécommunications. Ces accords précisent notamment : l'axe suivant lequel le câble est construit ; la technologie utilisée ; la capacité totale du système ; la date de mise en service du câble ; et les modalités contractuelles de participation au consortium. Ils associent non seulement les opérateurs de télécommunications situés à chaque extrémité de la liaison, mais également tout exploitant international dont les besoins de capacité justifient la participation. Dans la quasi-totalité des cas, cette participation n'est plus ouverte au-delà de la date de mise en service du câble.

A cette date, la capacité totale du système appartient en indivision aux membres du consortium. Elle se répartit entre, d'une part, la capacité à laquelle ont souscrit les co-propriétaires pour satisfaire leurs besoins propres à court et moyen terme, et d'autre part, la capacité dite de réserve commune. Chacun des membres du consortium détient un certain nombre d'unités minimales d'investissement, qui portent sur des unités de capacité de 2 Mbit/s et déterminent ses droits de vote. Il peut accroître sa participation en souscrivant de nouvelles unités minimales d'investissement provenant de la capacité de réserve. Pour les opérateurs extérieurs au consortium, l'accès à cette capacité de réserve peut s'effectuer par acquisition de droits irrévocables d'usage, dont la validité s'étend sur toute la durée de vie du câble.

Les accords qui régissent les systèmes de câbles existants ont été conçus dans un environnement pré-concurrentiel, avec le souci d'inciter les investisseurs potentiels à apporter une participation financière avant la date de mise en service du câble. A cette fin, ils peuvent contenir des dispositions opérant une différenciation nette entre co-propriétaires et opérateurs extérieurs au consortium, notamment en matière d'accès à la capacité de réserve et de tarification. La structure juridique des systèmes de câbles sous-marins est donc susceptible d'agir comme barrière à l'entrée en créant une dissymétrie entre les entreprises déjà installées et les entrants potentiels.

Dans la perspective d'une ouverture totale à la concurrence au 1er janvier 1998, une telle dissymétrie pourrait induire des distorsions sur le marché français des services internationaux. L'existence de restrictions limitant l'accès des nouveaux entrants aux systèmes de câbles sous-marins existants est en effet susceptible de remettre en cause les conditions d'exercice d'une libre concurrence. Le cas échéant, de telles restrictions pourraient conduire les opérateurs à privilégier le recours à d'autres supports de transmission - capacité de segment spatial - ou à d'autres modes d'acheminement de trafic international - revente de minutes internationales commutées, offres de reroutage, liaisons louées internationales - sur la base de considérations autres que technique, économique ou financière. Elles pourraient également conduire des entrants potentiels à renoncer à leurs projets d'activité sur le marché français.

C. Enjeux stratégiques

Les conditions d'accès aux systèmes de câbles sous-marins existants auront également une influence décisive sur le rôle de la France en tant que point nodal des principaux axes de transmission internationaux et sur sa capacité à exploiter pleinement ses atouts géographiques. L'existence de restrictions susceptibles de limiter l'accès aux capacités des câbles sous-marins atterrissant en France aurait pour effet d'inciter les nouveaux entrants à avoir recours à des infrastructures localisées à l'extérieur du territoire français et, par voie de conséquence, de contribuer au développement de plate-formes concurrentes d'acheminement de trafic international situées à l'étranger. Dans un contexte de bouleversement des modes d'acheminement de trafic international, elles contraindraient également les acteurs établis en France à réduire leurs ambitions sur le marché des prestations de transit offertes aux opérateurs étrangers.

En renforçant les noeuds de communication situés à l'extérieur du territoire français, cette situation pourrait par ailleurs mettre la France en marge des axes de déploiement des prochaines générations de systèmes de câbles sous-marins. Les conditions d'accès aux systèmes de câbles sous-marins existants détermineront en effet pour partie les demandes futures de capacité. Les nouveaux systèmes ne pourront en effet se développer à partir du territoire français en l'absence d'un niveau de participation suffisant de l'ensemble des opérateurs établis en France.

Sur la démarche de l'Autorité

Afin de répondre à ces enjeux, l'Autorité souhaite que l'ensemble des opérateurs puisse accéder dans des conditions équivalentes à la capacité disponible des systèmes de câbles sous-marins existants. L'Autorité estime que la mise en oeuvre de ce principe contribuera d'une part à garantir les conditions d'exercice d'une libre concurrence sur le marché français des services internationaux, et d'autre part à renforcer le rôle de la France comme plate-forme d'acheminement de trafic international.

L'Autorité souligne que cet objectif est pleinement conforme à la politique des autorités françaises eu égard aux conditions d'accès à la capacité de segment spatial de l'organisation internationale de télécommunications par satellites Intelsat. A cet égard, l'Autorité se félicite que plusieurs exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'ores et déjà des modalités d'accès direct définies conjointement par les autorités françaises et France Télécom en juillet 1996.

L'Autorité souligne enfin que la problématique de l'accès aux systèmes de câbles sous-marins existants ne devrait se poser qu'à court terme. Elle escompte en effet que, lorsque de nouveaux systèmes se développeront au départ de la France, l'ensemble des opérateurs autorisés au titre de l'article L.33-1 puisse notamment participer au financement du projet avant la date de mise en service du câble. Elle reconnaît également que de nouveaux systèmes se développeront en marge des structures juridiques traditionnelles propres aux consortiums, reposant sur une logique moins coopérative que commerciale.

Sur le cadre juridique applicable

A. Qualification juridique des systèmes de câbles sous-marins

Les systèmes de câbles sous-marins atterrissant sur le territoire français constituent les éléments d'un réseau de télécommunications, défini par l'article L.32 du code des postes et télécommunications comme étant :

"toute installation ou tout ensemble d'installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l'acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l'échange des informations de commandes et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison du réseau"

Dès lors que ces systèmes de câbles sont établis ou exploités pour la fourniture au public de services de télécommunications, l'entité assurant leur établissement et leur exploitation doit être autorisée au titre de l'article L.33-1 du code des postes et télécommunications. Rien n'exclut cependant d'établir et d'exploiter un câble sous-marin dans le cadre du régime des réseaux indépendants, tel que défini par l'article L.33-2 du code des postes et télécommunications.

D'autres autorisations peuvent s'avérer nécessaires, notamment en application du droit commun d'installation d'infrastructures situées sur le domaine public et dans les eaux territoriales françaises.

La détention de droits irrévocables d'usage portant sur les capacités d'un système de câble sous-marin ne requiert pas d'autorisation spécifique délivrée en application du code des postes et télécommunications. En particulier, les fournisseurs du service téléphonique au public autorisés en application de l'article L.34-1, mais également les prestataires de services de télécommunications autres que le service téléphonique - par exemple les fournisseurs d'accès Internet - peuvent librement acquérir des droits irrévocables d'usage.

B. Obligations applicables en matière de cession de droits irrévocables d'usage

En l'état actuel des dispositions réglementaires, les conditions d'acquisition de droits irrévocables d'usage portant sur des capacités disponibles des systèmes de câbles sous-marins ne sont évoquées expressément qu'au point 4° de l'article 8 du cahier des charges de France Télécom, approuvé par le décret n° 96-1225 du 27 décembre 1996 portant approbation du cahier des charges de France Télécom. Celui-ci dispose que :

"lorsque France Télécom est co-investisseur dans un câble sous-marin, elle fait droit sans discrimination aux demandes de droits irrévocables d'usage sur les capacités disponibles de ce câble, de la part d'opérateurs autorisés en application de l'article L.33-1 du code des postes et télécommunications. France Télécom ne s'oppose pas à de telles demandes émanant des mêmes opérateurs lorsqu'elles sont adressées à tout autre organisme susceptible de donner accès aux capacités disponibles" (J.O., 31 décembre 1996, p. 19687)

Dès lors que les capacités des systèmes de câbles sous-marins sont réputées constituer des ressources essentielles - au sens où cette notion est définie par la jurisprudence française, à savoir :

"des installations ou des équipements indispensables pour assurer la liaison avec les clients et/ou permettre à des concurrents d'exercer leurs activités et qu'il serait impossible de reproduire par des moyens raisonnables" (arrêt de la Cour d'appel de Paris, BOCC, 7 octobre 1997, p. 692)

le droit commun de la concurrence pourrait sur ce point s'appliquer aux conditions de cession de droits irrévocables d'usage.

C. Modalités d'intervention de l'Autorité

En matière d'accès aux systèmes de câbles sous-marins, les modalités d'intervention de l'Autorité prévues par la loi sont au nombre de trois :

  • L'Autorité pourrait en premier lieu être amenée à intervenir dans le cadre des missions de contrôle que lui confère la loi, et notamment l'article L.36-7 du code des postes et télécommunications qui dispose que :

    "[l'Autorité] contrôle le respect par les opérateurs des obligations résultant des dispositions réglementaires qui leur sont applicables en vertu du présent code et des autorisations dont ils bénéficient et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues aux articles L.36-10 et L.36-11"

  • L'Autorité pourrait, en second lieu, intervenir au titre de ses prérogatives en matière d'interconnexion et d'accès, telles que définies par les articles L.34-8 et L.36-8 du code des postes et télécommunications. Elle pourrait notamment être saisie d'un litige relatif aux conditions d'interconnexion aux stations d'atterrissement des câbles sous-marins. A ce titre, l'article D.99-11 du code des postes et télécommunications, issu du décret n° 97-188 du 3 mars 1997 relatif à l'interconnexion, dispose que les opérateurs tenus de publier une offre technique et tarifaire d'interconnexion :

    "ne peuvent invoquer l'existence d'une offre inscrite au catalogue pour refuser d'engager des négociations commerciales avec un autre opérateur en vue de la détermination de conditions d'interconnexion qui n'auraient pas été prévues par leur catalogue, notamment les conditions d'accès aux commutateurs internationaux et à d'autres infrastructures internationales" (J.O., 4 mars 1997, p. 3440)

Les stations d'atterrissement de câbles sous-marins font partie du champ des "infrastructures internationales" visées par le décret. Plus généralement, l'accès à ces stations relève du régime général de l'interconnexion, qu'il soit établi directement au niveau des équipements de tête de câble ou qu'il intervienne par le biais de liaisons de raccordement.

  • L'Autorité pourrait, en dernier lieu, intervenir selon les modalités fixées par le cahier des charges des exploitants de réseaux ouverts au public, telles que définies par le décret n° 96-1175 du 27 décembre 1996 relatif aux clauses types des cahiers des charges associés aux autorisations attribuées en application des articles L.33-1 et L.34-1. La clause type relative aux conditions nécessaires pour assurer l'équivalence de traitement des opérateurs internationaux conformément aux dispositions des III et IV de l'article L.33-1 - dite clause (n) - dispose que :

    "lorsque l'opérateur achemine du trafic téléphonique international en provenance ou à destination de pays où l'équivalence de traitement n'est pas assurée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un pays n'appartenant pas à l'Espace économique européen, et que l'Autorité de régulation des télécommunications constate, pour le trafic téléphonique entre la France et ce pays, que l'égalité des conditions de concurrence ne peut être préservée au bénéfice des autres opérateurs autorisés, l'opérateur peut être tenu, sur demande de l'Autorité de régulation des télécommunications, d'offrir aux opérateurs autorisés en application des articles L.33-1 et L.34-1, l'accès aux infrastructures de transmission et de commutation utilisées pour l'acheminement du trafic concerné, dans des conditions propres à rétablir l'égalité des conditions de concurrence. Les dispositions des articles L.34-8 et L.36-8 s'appliquent aux demandes formulées par les autres opérateurs et aux accords conclus dans ce cadre" (J.O., 29 décembre 1996, p. 19440)

En application dudit décret, les conditions de mise en oeuvre de ce dispositif restent toutefois à préciser, notamment en ce qui concerne l'appréciation par le ministre chargé des télécommunications - sur proposition de l'Autorité - de l'équivalence de traitement, dans des conditions conformes aux engagements internationaux souscrits par la France. Sur ce point, l'Autorité communiquera ses propositions au ministre dans les mois qui viennent.

D. Dimension communautaire

Sur le plan communautaire, le recours à la notion de "ressources essentielles" pourrait permettre d'encadrer les pratiques discriminatoires d'opérateurs européens n'ayant pas d'obligations spécifiques en matière de cession de droits irrévocables d'usage. Le projet de communication de la Commission N° 97/C 76/06 du 11 mars 1997 relatif à l'application des règles de concurrence aux accords d'accès dans le secteur des télécommunications définit cette notion de ressources essentielles comme désignant :

"des installations ou des infrastructures indispensables pour assurer la liaison avec les clients et/ou permettre à des concurrents d'exercer leurs activités, et qu'il serait impossible de reproduire par des moyens raisonnables" (JOCE, 11 mars 1997, N° C 76/18)

Les règles communautaires de concurrence devraient donc permettre de s'assurer que les exploitants de télécommunications pourront accéder dans de bonnes conditions aux capacités des systèmes de câbles sous-marins contrôlées par des opérateurs établis au sein de l'Union européenne.

Sans faire l'objet d'une définition précise, le principe de non-discrimination - invoqué dans le cahier des charges de France Télécom - sous-tend l'ensemble de la législation ONP. Sur les conditions générales d'application de ce principe en droit communautaire des télécommunications, le cinquième considérant de la directive 92/44/CEE du Conseil du 5 juin 1992 relative à l'application de la fourniture d'un réseau ouvert aux lignes louées - modifiée par la directive 97/51/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 1997 - précise que :

"le principe de non-discrimination établi par le traité s'applique, entre autres, à la disponibilité de l'accès technique, aux tarifs, à la qualité de service, aux délais de fourniture, à la répartition équitable de la capacité en cas de pénurie, au temps de réparation, ainsi qu'à la disponibilité des informations concernant le réseau et des informations appartenant au client, sans préjudice des dispositions réglementaires applicables en matière de protection des données" (JOCE, 19 juin 1992, N° L 165/27)

Sur l'approche retenue et le statut du présent document

Par l'adoption des présentes lignes directrices, l'Autorité entend préciser les conditions dans lesquelles elle pourrait être amenée à appliquer les dispositions juridiques relatives à l'accès aux systèmes de câbles sous-marins. Elle souligne que cette démarche de clarification des conditions d'application du cadre juridique répond aux attentes de nombreux opérateurs.

Les présentes lignes directrices n'ont aucun caractère réglementaire et n'introduisent aucune modification de l'état actuel du droit.

Cette approche apparaît aujourd'hui suffisante pour atteindre les objectifs souhaités. Toutefois, l'Autorité souligne que l'édiction de nouvelles dispositions réglementaires venant compléter le dispositif juridique actuel pourrait être ultérieurement envisagée si les évolutions du marché et les conditions d'exercice de la concurrence venaient à le justifier.

L'adoption des présentes lignes directrices ne prive pas l'Autorité de sa liberté d'appréciation. Elle conserve la possibilité de s'écarter des orientations définies, soit pour des motifs d'intérêt général, soit pour tenir compte de circonstances particulières.

Sur la lecture des dispositions applicables

A. Conditions d'acquisition de droits irrévocables d'usage

Description de la situation existante

L'accès des opérateurs aux systèmes de câbles sous-marins existants s'effectue habituellement par acquisition de droits irrévocables d'usage, soit auprès du consortium, soit auprès d'un opérateur tiers. Elle fait normalement l'objet d'une convention de droit privé entre les parties, qui détermine les conditions techniques et financières de la cession.

L'acquisition de droits irrévocables d'usage portant sur des demi-circuits au départ de la France et l'activation desdits circuits ne peuvent d'ordinaire s'effectuer sans l'accord de l'opérateur situé à l'autre extrémité de la liaison.

Obligations figurant dans le cahier des charges de France Télécom

Dans l'exercice des pouvoirs de contrôle que lui confèrent les articles L.36-7, L.36-10 et L.36-11, l'Autorité est amenée à apprécier le respect par les opérateurs des dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité. Ce sont les principes au vu desquels elle se livre à cette appréciation eu égard aux dispositions pertinentes du cahier des charges de France Télécom qui sont ici précisées.

Les obligations qui incombent à France Télécom en vertu de ces dispositions portent sur les systèmes de câbles atterrissant sur le territoire français. Elles ne semblent pas devoir trouver application pour les autres systèmes de câbles sous-marins, pour lesquels les conditions d'exercice de la concurrence ne justifient pas de soumettre France Télécom à des contraintes particulières. Elles ne semblent pas non plus devoir trouver application pour les systèmes à la participation desquels les opérateurs établis sur le territoire français pourront librement s'associer au-delà de la date du 1er janvier 1998.

L'exigence de non-discrimination inscrite dans le cahier des charges doit être comprise comme portant obligation pour France Télécom de faire droit aux demandes de droits irrévocables d'usage émanant de tout exploitant de réseau ouvert au public autorisé en application de l'article L.33-1, dans des conditions équivalentes à celles consenties à ses propres services, filiales ou partenaires.

En conséquence, lorsque la capacité de réserve n'est pas épuisée, et sous réserve des engagements contractuels résultant de l'accord de construction et maintenance, ces dispositions portent obligation pour France Télécom de faire droit aux demandes de droits irrévocables d'usage portant sur cette capacité dans des conditions identiques à celles dont il bénéficie en tant que membre du consortium. Dans l'hypothèse où l'accord de construction et maintenance ne confère ni droits exclusifs ni conditions préférentielles aux co-propriétaires, les opérateurs tiers s'adressent directement au consortium.

Le principe de non-discrimination s'applique également aux droits irrévocables d'usage portant sur des capacités initialement acquises par France Télécom en vue de besoins propres mais dont elle ne souhaite plus faire usage.

Principe de non-discrimination

L'analyse du principe de non-discrimination d'une part, les caractéristiques spécifiques aux capacités des systèmes de câbles sous-marins d'autre part, conduisent à identifier quatre points au respect desquels l'Autorité veille particulièrement dans l'exercice de ses missions de contrôle : (i) conditions dont bénéficient les opérateurs tiers en matière d'accès aux informations ; (ii) délais nécessaires à l'acquisition de droits irrévocables d'usage ; (iii) conditions tarifaires ; (iv) qualité des prestations de réparation et de maintenance.

i. Conditions d'accès aux informations

L'Autorité veille à ce que, en réponse aux demandes raisonnables émanant d'opérateurs autorisés en application de l'article L.33-1, les informations portant sur la capacité disponible soient fournies dans les mêmes conditions et avec le même degré de qualité que celles que France Télécom fournit à ses propres services, filiales ou partenaires. L'obligation de non-discrimination s'applique également aux informations obtenues par France Télécom au titre de sa participation au sein d'un consortium et, le cas échéant, non communiquées aux opérateurs détenteurs de droits irrévocables d'usage portant sur des capacités gérées par ce consortium.

ii. Délais nécessaires à l'acquisition de droits irrévocables d'usage

L'Autorité veille à ce que l'exigence de non-discrimination inscrite dans le cahier des charges de France Télécom soit également respectée eu égard aux délais nécessaires à l'acquisition et à l'activation de droits irrévocables d'usage. L'Autorité estime, sur la base des informations recueillies dans le cadre de la consultation publique, que les références internationales disponibles permettent d'indiquer que les délais observés au cours du processus d'acquisition et d'activation de droits irrévocables d'usage sont de l'ordre : de 30 jours calendaires pour le traitement des demandes ; de 30 jours calendaires pour la conclusion, le cas échéant, du contrat conférant à l'utilisateur les droits d'utilisation des capacités ; de cinq semaines pour l'activation des dites capacités.

iii. Conditions tarifaires

Dans le cadre de ses missions de contrôle, l'Autorité veille également à ce que les conditions tarifaires d'acquisition de droits irrévocables d'usage dont bénéficient les opérateurs respectent le principe de non-discrimination. Lorsque ces droits portent sur des capacités provenant de la réserve commune - et sous réserve des engagements contractuels résultant de l'accord de construction et maintenance -, les opérateurs doivent pouvoir bénéficier de conditions tarifaires identiques à celles proposées aux membres du consortium. Lorsque ces droits sont cédés par France Télécom à des opérateurs tiers, les conditions tarifaires présentées dans des conditions de marché équivalentes et correspondant à des demandes comparables doivent respecter le principe de non-discrimination. A cet égard, l'Autorité se fera communiquer les informations lui permettant de s'assurer que l'obligation de non-discrimination est bien respectée.

iv. Prestations de réparation et de maintenance

L'Autorité veille enfin à ce que l'obligation de non-discrimination soit respectée eu égard aux services de réparation et de maintenance. La qualité et le coût de ces prestations conditionnent en effet les conditions d'acquisition de droits irrévocables d'usage.

B. Conditions d'accès aux stations d'atterrissement des câbles sous-marins

L'acquisition de droits irrévocables d'usage et l'activation des capacités correspondantes ne peuvent être effectives que si les exploitants acquéreurs des droits sont à même d'acheminer leur trafic international jusqu'à la station d'atterrissement du câble sous-marin. Ceci requiert la conclusion de conventions fixant les conditions techniques et financières d'acheminement de ce trafic entre le réseau national de l'exploitant et ces stations.

Les dites conventions relèvent du régime général de l'interconnexion. Au regard des expériences étrangères, deux modalités particulières d'interconnexion peuvent être mises en oeuvre :

  • La première s'effectue directement au niveau des stations d'atterrissement de câbles sous-marins. L'absence d'équipements de démultiplexage dans ces stations pourrait toutefois - au moins dans un premier temps - en limiter le caractère effectif.

  • Une deuxième option ouverte est la location de liaisons permettant de raccorder le réseau national de l'opérateur acquéreur de droits irrévocables d'usage aux stations d'atterrissement de câbles.

Dès lors que les prestations correspondantes ne sont pas inscrites au catalogue décrivant l'offre d'interconnexion d'un opérateur, les conventions font l'objet de négociations commerciales dans lesquelles l'Autorité n'a pas vocation à intervenir a priori. Il convient de rappeler que, en application de l'article L.34-8 du code des postes et télécommunications, ces conventions devront être communiquées à l'Autorité. L'Autorité peut par ailleurs être saisie de différends relatifs à ces conventions conformément à l'article L.36-8 du code des postes et télécommunications. Lorsque cela est indispensable pour garantir l'égalité des conditions de concurrence ou l'interopérabilité des services, l'Autorité peut également, après avis du Conseil de la concurrence, demander la modification des conventions déjà conclues.


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