Etude relative à l'intervention des collectivités territoriales en matière d'infrastructures de réseaux de télécommunications à haut débit : contribution du cabinet Latournerie Wolfrom & Associés (décembre 2003)


Avertissement

L'Autorité a fait effectuer par les cabinets Baker & McKenzie, Bird & Bird et Latournerie une étude relative à l'intervention des collectivités territoriales dans le secteur des télécommunications et à ses éventuelles implications en terme de distorsion de concurrence.

Dans un souci de transparence et d'information ouverte, elle a décidé de rendre publique cette étude.

Les analyses conduites et les propositions de méthodologie pour déterminer le propriétaire des installations concernées sont de la seule responsabilité des cabinets auteurs de l'étude et n'engagent pas l'Autorité.

L’étude en téléchargement au format pdf

Sommaire de l'étude

1- Les limites juridiques de l'intervention des collectivités territoriales dans le domaine des télécommunications

1.1 Le périmètre du service public dans le cadre du futur article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales
1.2 Le choix du montage juridique
1.3 Les subventions publiques
1.4 L'ouverture des réseaux à la concurrence

2- Le schéma préférentiel d'intervention d'une collectivité territoriale
2.1. Le choix d'un montage juridique
2.2. Les différentes clauses pouvant être stipulées


Dans le cadre des études relatives aux modalités d'intervention des collectivités territoriales en matière de réseaux de télécommunications à haut débit, l'Autorité de Régulation des Télécommunications a souhaité voire précisées les limites juridiques de l'intervention des collectivités territoriales dans le domaine des télécommunications (1.), et plus particulièrement :

- le périmètre du service public dans le cadre du futur article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales ;

- les montages juridiques envisageables pour permettre la construction des infrastructures de télécommunications et la fourniture de services aux opérateurs et aux clients finaux ;

- la procédure pouvant être mis en place pour s'assurer que les subventions publiques accordées permettraient une exacte compensation des obligations de service public ;

- et les moyens qui permettraient à une collectivité de limiter l'accès à son réseau aux opérateurs concurrents de son délégataire.

D'autre part, l'Autorité de Régulation des Télécommunications a souhaité que soit présenté le schéma préférentiel d'intervention d'une collectivité territoriale qui souhaiterait construire des infrastructures de télécommunications et fournir des services aux opérateurs et/ou aux clients finaux ainsi que les clauses qu'il conviendrait d'insérer dans le contrat (2.).


1. Les limites juridiques de l'intervention des collectivités territoriales dans le domaine des télécommunications

1.1 Le périmètre du service public dans le cadre du futur article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales

Le futur article L. 1425-1 du Code général des collectivités territoriales (ci-après " CGCT ") devrait permettre aux collectivités territoriales, selon les rédactions adoptées, à ce jour, par l'Assemblée nationale et le Sénat :

- soit d'établir et d'exploiter des réseaux de télécommunications ouverts au public et d'acquérir des droits d'usage sur de tels réseaux, sous certaines conditions, et de fournir des services de télécommunications au public après avoir procédé à une consultation révélant une insuffisance d'initiatives privées propres à satisfaire les besoins des populations et des entreprises(1) ;

- soit d'établir des réseaux de télécommunications ouverts au public, d'acquérir des droits d'usage à cette fin ou d'acheter des réseaux existants, sous certaines conditions, et d'exercer une activité d'opérateur de télécommunications après avoir constaté une insuffisance d'initiatives privées propres à satisfaire les besoins des utilisateurs et en avoir informé l'Autorité de régulation des télécommunications(2).

Ainsi, il apparaît que le constat d'une insuffisance d'initiatives privées déterminera l'étendue de l'intervention des collectivités territoriales, au-delà de l'établissement d'un réseau de télécommunications, en les autorisant selon la rédaction adoptée, soit à fournir des services de télécommunications au public, soit à exercer une activité d'opérateur de télécommunications.

La notion d'" insuffisance d'initiatives privées " ne serait pas définie par le législateur mais il semble possible de considérer, au regard des travaux parlementaires, que, à la différence de la notion de carence de l'initiative privée, l'insuffisance d'initiatives privées ne signifie pas une absence complète d'offre privée mais plutôt l'existence d'offres privées ne permettant pas de satisfaire les besoins en présence.

L'intervention des collectivités territoriales s'inscrira dans le cadre d'une activité de service public(3), ayant un caractère facultatif. Il appartiendra ainsi aux collectivités territoriales, dans le cadre de leur pouvoir d'organisation du service public, de déterminer notamment les modalités de desserte de leurs réseaux de télécommunications et le degré de couverture de leur territoire en appréciant la nécessité de déployer ces réseaux en fonction de leurs coûts et des besoins des usagers.

L'exercice de cette activité de service public devra respecter les grands principes du service public - à savoir les principes de mutabilité, de continuité du service et celui d'égalité entre les usagers - et entraînera l'incorporation des éléments du réseau nécessaires à l'exercice du service public dans le domaine public de la collectivité.

Le futur article L. 1425-1 du CGCT ne définit pas la consistance matérielle de cette nouvelle activité de service public et il semble nécessaire, pour définir les missions qui pourraient être assurées par les collectivités territoriales - et donc par leur délégataire -, de se référer aux activités traditionnellement exercées par les opérateurs de télécommunications.

Rappelons que ces activités sont relatives l'établissement et à l'exploitation d'un réseau de télécommunications ouvert au public et/ou à la fourniture au public de services de télécommunications(4).

Par ailleurs, le futur article L. 1425-1, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, prévoit expressément que l'intervention des collectivités territoriales en matière de réseaux de télécommunications doit " promouvoir l'utilisation partagée des infrastructures ". De même, dans sa rédaction adoptée par le Sénat, cette disposition prévoit que les collectivités territoriales peuvent établir des réseaux de télécommunications à condition, notamment, " de garantir l'utilisation partagée des infrastructures et de ne pas entraver le développement de la concurrence ".

Dès lors, il serait possible de considérer que les missions de service public exercée par les collectivités territoriales en matière de télécommunications pourraient comprendre, outre l'établissement et l'exploitation d'un réseau de télécommunications, la mise à disposition et le partage du réseau de télécommunications établi, également la mise à disposition des infrastructures constituant ce réseau, telles que, par exemple, des fourreaux, des points hauts, des chambres de tirage et d'épissurage, des fibres optiques ….


1.2 Le choix du montage juridique

Le futur article L. 1425-1 du CGCT ne comporte pas disposition précisant les modalités juridiques d'établissement d'un réseau de télécommunications, d'exploitation d'un tel réseau et, le cas échéant, de fourniture de services de télécommunications aux opérateurs et/ou aux clients finaux par une collectivités territoriales(5).

Il semble que le législateur entende laisser aux collectivités territoriales une assez grande liberté pour choisir les outils juridiques existants pour assurer l'exercice de cette activité de service public.
Ainsi, en pratique, il sera possible aux collectivités territoriales d'envisager, d'une part, d'établir et d'exploiter un réseau de télécommunications, voire de fournir des services aux opérateurs et/ou aux clients finaux, le cas échéant, en régie directe ou d'en déléguer la gestion. D'autre part, les collectivités territoriales pourront envisager de confier l'établissement du réseau de télécommunications à un prestataire déterminé et son exploitation, voire la fourniture de services de télécommunications, le cas échéant, à un autre prestataire ou, plutôt, de confier l'établissement et l'exploitation du réseau ainsi que, le cas échéant, la fourniture de services de télécommunications à un prestataire unique.

Au regard des modalités juridiques d'établissement et d'exploitation du réseau et, le cas échéant, de fourniture de services de télécommunications dans le cadre d'une activité de service public local, il est possible d'envisager le recours à quatre principaux montages juridiques :

- l'établissement du réseau dans le cadre d'un marché public de travaux et l'exploitation du réseau, ainsi que, le cas échéant, la fourniture de services de télécommunications, en régie directe ;

- l'établissement du réseau dans le cadre d'un marché public de travaux et l'exploitation du réseau, ainsi que, le cas échéant, la fourniture de services de télécommunications dans le cadre d'un marché public de services ayant pour objet la commercialisation de ces services de télécommunications au nom et pour le compte de la collectivité (mandat de commercialisation) ;

- l'établissement du réseau dans le cadre d'un marché public de travaux et l'exploitation du réseau, ainsi que, le cas échéant, la fourniture de services de télécommunications dans le cadre d'une régie intéressée ou d'un affermage ;

- et l'établissement du réseau et l'exploitation du réseau, ainsi que, le cas échéant, la fourniture de services de télécommunications la fourniture de services de télécommunications dans le cadre d'une concession.


1.3 Les subventions publiques

Selon la jurisprudence communautaire(6) , une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par une entreprise pour exécuter des obligations de service public peut ne pas constituer une aide d'État, prohibée par l'article 87 CE, § 1 du Traité CE, sous certaines conditions.

Parmi les conditions exigées, il faut notamment que la compensation versée ne dépasse ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnées par l'exécution des obligations de service public en tenant compte des recettes qui y sont liées ainsi que d'un bénéfice raisonnable.
En outre, la jurisprudence communautaire considère que le choix de l'entreprise chargée de l'exécution d'obligations de service public qui est effectué dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité permet de fixer le niveau de la compensation nécessaire des obligations de service public.

Dès lors, afin de s'assurer que le versement de subventions publiques ne dépasse une " exacte compensation " des obligations de service public, il est notamment possible de prévoir, lors de l'octroi d'une convention de délégation de service public, que le montant des subventions publiques demandées par les candidats constitue un critère de sélection des offres et que, ainsi, la fixation du montant des subventions intervient dans des conditions proches des mécanismes du marché et permet de déterminer, de manière aussi précise que possible, le montant des subventions nécessaires pour couvrir les obligations de service public prévues.

Afin de permettre la détermination la plus précise possible de l'exacte compensation nécessaire, la collectivité territoriale appréciera le montant des subventions publiques demandées notamment au regard d'un compte d'exploitation prévisionnel fourni par les candidats à l'appui de leur offre.


1.4 L'ouverture des réseaux à la concurrence

A titre liminaire, il est rappelé que les interventions économiques des collectivités territoriales ne doivent pas méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et le principe d'égalité. En outre, les règles du droit de la concurrence s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris lorsqu'elles sont effectuées par des personnes publiques, ainsi que dans l'exercice par l'administration de ses pouvoirs de police et de gestion du domaine public.

Dans le cas particulier du financement sur fonds publics d'infrastructures ou de réseaux de télécommunications, les collectivités territoriales doivent veiller à ne pas placer leurs co-contractant dans une situation où ces derniers pourraient se trouver en abus de position dominante ou exercer des pratiques anticoncurrentielles(7) .

En pratique, une collectivité territoriale pourrait être tentée, dans le souci de protéger son délégataire de service public choisi pour établir et exploiter son réseau de télécommunications, de limiter l'accès dudit réseau aux opérateurs concurrents. Ainsi, à cet effet, une collectivité territoriale pourrait stipuler, par exemple, une clause d'exclusivité au profit de son délégataire.


Cependant la stipulation d'une telle clause d'exclusivité pourrait être jugée comme illégale au regard du droit communautaire qui prévoit, à l'article 2, § 1, de la directive " concurrence " du 16 septembre 2002 que " les Etats-membres ne peuvent accorder ni maintenir de droits exclusifs ou spéciaux pour l'établissement et/ou l'exploitation de réseaux de communications électroniques […] "(8) .

En outre, cette collectivité pourrait être également tentée de refuser l'octroi de droits de passage sur son domaine public routier aux opérateurs concurrents de son délégataire. Ce refus serait considéré comme illégal si l'on rappelle que l'autorité gestionnaire du domaine ne peut refuser ces droits de passage que dans les cas limitativement prévus par la loi : lorsque l'occupation est incompatible avec l'affectation du domaine public routier, en cas d'insuffisance des capacité d'accueil des installations ou lorsque le refus est motivé par la nécessité d'assurer le respect d'exigences essentielles(9) .


2. Le schéma préférentiel d'intervention d'une collectivité territoriale

2.1 Le choix d'un montage juridique

Comme il a été exposé, plusieurs montages juridiques peuvent être envisagées pour l'établissement et l'exploitation d'un réseau de télécommunications voire, le cas échant, la fourniture de services de télécommunications dans le cadre d'une activité de service public local.

A notre sens, il n'existe pas nécessairement un montage juridique devant être privilégié mais la détermination du meilleur montage à mettre en œuvre peut notamment être effectuée au regard de critères d'appréciation juridiques et fonctionnels tels que, par exemple les prérogatives de contrôle et la transparence pour la collectivité territoriale, la lourdeur de la procédure à mettre en œuvre et la souplesse de fonctionnement, l'exercice de la responsabilité du service public, la complexité du montage juridique, les moyens humains et techniques nécessaires ou encore les possibilités d'évolution du montage retenu initialement.

Au regard de ces critères, il est possible de présenter brièvement les principaux avantages et inconvénients de chacun des quatre principaux montages juridiques précédemment décrits.

Ainsi, l'établissement du réseau dans le cadre d'un marché public de travaux et l'exploitation du réseau, ainsi que, le cas échéant, la fourniture de services de télécommunications en régie permet à la collectivité territoriale de conserver une forte maîtrise du service public mais implique qu'elle se dote des moyens humains et techniques afférents et surtout qu'elle envisage d'assurer entièrement la responsabilité du service public et d'être elle-même opérateur. Il est possible d'envisager, à terme, de recourir à la gestion déléguée du réseau dans le cadre d'un affermage ou d'un contrat de régie intéressée.

S'agissant de l'établissement du réseau dans le cadre d'un marché public de travaux et l'exploitation du réseau, ainsi que, le cas échéant, la fourniture de services de télécommunications dans le cadre d'un marché public de services, ce montage permet de conserver une forte maîtrise du service public et de disposer des compétences et du savoir-faire d'un prestataire spécialisé pour l'exploitation du réseau. A l'instar du montage précédent, cela implique que la collectivité territoriale assure l'entière responsabilité du service public(10) et soit elle-même opérateur.

Concernant l'établissement du réseau dans le cadre d'un marché public de travaux et l'exploitation du réseau ainsi que, le cas échéant, la fourniture de services de télécommunications dans le cadre d'une régie intéressée ou d'un affermage, ce montage permet à la collectivité de disposer, pour l'exploitation du réseau, des compétences et du savoir-faire d'un prestataire spécialisé qui assume la gestion du service public à ses risques et périls (affermage) ou qui est intéressé aux résultats d'exploitation (régie intéressée), sous réserve des éventuelles subventions d'exploitation. Il permet à la collectivité de conserver un assez fort contrôle de l'exécution du service public mais implique néanmoins qu'elle se dote des moyens de contrôle correspondants.

Enfin, au sujet de l'établissement et l'exploitation du réseau, ainsi que, le cas échéant, la fourniture de services de télécommunications dans le cadre d'une concession, ce montage permet à la collectivité de disposer, à la fois pour l'établissement et l'exploitation du réseau, des compétences et du savoir-faire d'un prestataire spécialisé qui assume la gestion du service public à ses risques et périls, sous réserve des éventuelles subventions d'investissement et d'exploitation. Il permet à la collectivité de conserver un assez fort contrôle de l'exécution du service public mais implique également qu'elle se dote de moyens de contrôle correspondants.

En tout état de cause, la détermination du choix du meilleur montage juridique dépendra également de la prise en compte d'éléments financiers (importance des investissements à réaliser, capacité de la collectivité à financer le projet, impact de la TVA sur le projet, coût de fonctionnement pour la collectivité, risque financier pour la collectivité, …) et d'éléments techniques (complexité du projet, capacité technique de la collectivité à pouvoir réaliser seule le projet, …) qui auront pu être appréciés, préalablement ou parallèlement, dans le cadre d'études de faisabilité techniques et économiques.

Ainsi, selon les projets, il sera possible d'associer, dans une plus ou moins large mesure, un délégataire de service public au partage de la conception du réseau de télécommunications, de son financement, de la responsabilité du service public et du risque d'exploitation.


2.2 Les différentes clauses pouvant être stipulées

a) Clause permettant une adaptation du contrat en tenant compte de sa durée et du rythme d'évolution technologique rapide dans le secteur des télécommunications

Au regard du principe de mutabilité du service public, il est possible faire évoluer les obligations prévues (fonctionnalités, qualité de service, …) dans les contrats ayant une durée relativement longue, telles que les conventions de délégation de service public, afin de tenir compte des fréquentes ruptures technologiques inhérentes au secteur des télécommunications.

Ces évolutions peuvent être appréhendées dans le cadre de clause de rendez-vous ou par la conclusion d'avenants redéfinissant les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire, sous réserve que ces modifications n'entraînent pas un bouleversement de l'économie générale du contrat.


b) Clause permettant d'assurer une ouverture maximale du réseau

Il appartient aux collectivités territoriales, dans le cadre de leur pouvoir d'organisation du service public, de déterminer les caractéristiques du service public. Dans le cadre d'une délégation de service public, il leur appartient de fixer les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire, parmi lesquelles les prestations qu'il doit ou peut proposer aux usagers du service public.

Dès lors, en pratique, il est par exemple possible d'imposer à un délégataire, dans le cadre du cahier des charges, l'obligation de proposer certains types de services (location de fourreaux, de fibres noires, …), ce, afin de favoriser un développement de la concurrence avec l'existence de plusieurs offres de services de télécommunications.

Il est également possible de prévoir, dans le cadre de la procédure de délégation de service public, que les candidats s'engagent à assurer les services prévus par le cahier des charges et proposent d'autres services permettant une ouverture maximale du réseau, étant entendu alors que parmi les critères de sélection des offres figurent, notamment, la qualité et l'intérêt des propositions effectuées au sujet de ces services additionnels proposés par les candidats.


c) Clause permettant de définir au mieux le régime de propriété des différentes infrastructures

Dans le cadre d'une concession, on distingue traditionnellement trois types de biens : les biens de retour(11) , les biens de reprise(12) et les biens propres(13) . La classification de ces biens résulte de la pratique contractuelle et de la jurisprudence administrative.

En pratique, il convient de prévoir une clause définissant avec précision les modalités d'établissement et de renouvellement par le concessionnaire de l'ensemble des ouvrages nécessaires au service public, qui seront considérés comme les biens de retour(14) .

En outre, il est également utile de prévoir une clause portant inventaire détaillé des biens de retour, de reprise et des biens propres avec une obligation de mise à jour périodique afin de prendre en compte les travaux de renouvellement effectués par le concessionnaire.


d) Clause permettant de minimiser l'asymétrie d'information entre la collectivité et son co-contractant

Dans le cadre d'une délégation de service public, afin de permettre un contrôle plus étendu de la collectivité délégante, la loi impose au délégataire de produire chaque année un rapport comportant les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l'exécution de la délégation de service public, une analyse de la qualité de service et une annexe devant permettre à l'autorité délégante d'apprécier les conditions d'exécution du service public.

En pratique, il est possible d'insérer dans le contrat une clause relative au rapport annuel du délégataire fixant le contenu précis de ce rapport et de faire figurer en annexe, un modèle type de rapport annuel que le délégataire devra respecter, en prévoyant éventuellement l'application de pénalités en cas de non-transmission, de transmission tardive ou de transmission incomplète du rapport annuel.

Il est également possible de prévoir une clause de contrôle permettant, par exemple, aux agents de la collectivité de consulter et de prendre copie - à tout moment ou à la suite de la remise du rapport annuel -, des pièces comptables et des documents techniques concernant l'exécution du service public délégué, la fourniture par le délégataire de toutes les informations relatives à l'exécution du service ne figurant pas dans le rapport annuel et la possibilité de désigner un organisme indépendant aux fins d'effectuer une mission de contrôle ponctuelle (audit financier et/ou technique, …).


e) Clause permettant de garantir une minimisation de la dépense publique, en particulier par la renégociation ex post de la subvention versée

Il est possible de prévoir, lors de la conclusion de la convention de délégation de service public, des clauses d'adaptation du montant des subventions publiques versées au délégataire afin de tenir compte d'une baisse ou d'une hausse de rentabilité. Il peut être prévu des clauses organisant le versement des subventions de manière dégressive ou progressive, selon le calendrier des investissements que devra supporter le concessionnaire et selon le compte d'exploitation prévisionnel fourni par le délégataire lors de la négociation.

Ces clauses peuvent être complétées par des clauses de rendez-vous périodiques afin de réexaminer les conditions d'exploitation et de redéfinir le montant des subventions versées au délégataire en veillant cependant à ce que la rémunération de ce dernier demeure " substantiellement liée aux résultats de l'exploitation " (à défaut, la convention de délégation de service public pourrait être requalifiée en marché public). Il est peut également être prévu une clause de retour à meilleure fortune au terme de laquelle le délégataire de service public ayant bénéficié du versement de subventions publiques s'engage à partager avec l'autorité délégante les bénéfices générés par l'exploitation du service.

 

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Jean Latournerie et Terence Cabot
Avocats à la Cour

Latournerie Wolfrom & Associés
Société d'Avocats
164, rue du Faubourg Saint-Honoré - 75008 Paris

Tél : 01.56.59.74.74 - Fax : 01.56.59.74.75
www.latournerie-wolfrom.com


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1) Selon la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, le 26 février 2003, du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.
2) Selon la rédaction adoptée en première lecture par le Sénat le 25 juin 2003.
3) Au regard de la jurisprudence administrative, cette activité d'établissement et/ou d'un réseau de télécommunications devrait être qualifiée de service public industriel et commercial.
4) cf. Article L. 32, 15°, du Code des postes et télécommunications.
5) Hormis les obligations relatives à l'organisation d'une consultation publique préalable ou à la publication du projet de la collectivité, au constat d'une insuffisance d'initiative privée, au respect des droits et obligations régissant l'activité des opérateurs de télécommunications, à la tenue d'une comptabilité distincte, à la séparation des activités d'établissement et d'exploitation des réseaux de la fonction d'octroi des droits de passage
6) cf. CJCE, 24 juillet 2003, C-280/00, Altmark Trans Gmbh, note S.Rodrigues, AJDA 2003, p. 1739.
7) Le Conseil de la Concurrence a considéré la mise à de mise à disposition d'infrastructures par une personne publique pourrait constituer également une activité de services entrant dans le champ d'application de la réglementation relative aux pratiques anticoncurrentielles (cf. Cons. Conc., Avis n°98-A-21 du 1er décembre 1998).
8) Directive n°2002/77/CE du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques, JOCE du 17 septembre 2002, L. 249, p. 21 et s. Cette directive aurait dû entrer en vigueur le 25 juillet 2003 et doit être prochainement transposée en droit interne par la future loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Cependant, le Conseil de la Concurrence a considéré, dans une décision du 1er décembre 2003, que les dispositions prévues à l'article 2, § 1 de cette directive sont suffisamment claires et précises être applicables en droit interne (cf. décision n°03-MC-03 du 1er décembre 2003 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Towercast à l'encontre de pratiques mises en oeuvre par la société Télédifusion de France).
9) Telles que, par exemple, la sécurité des personnes et des biens, la protection de l'environnement et les contraintes d'urbanisme et d'aménagement.
10) Même si elle pourra se retourner contre son prestataire en cas de défaillance de celui-ci.
11) Les biens de retour sont ceux considérés comme indispensables à l'exécution du service public et, même s'ils ont été réalisés ou acquis par le concessionnaire, ils appartiennent en pleine propriété à la collectivité concédante dès leur achèvement. Ils doivent permettre à la collectivité concédante de disposer, au terme de la concession, des moyens nécessaires pour poursuivre l'exécution du service public, conformément au principe de continuité du service public.
12) Les biens de reprise sont ceux considérés comme utiles au service. Le concessionnaire en reste propriétaire durant toute la durée de la concession. Ils ne reviennent à la collectivité concédante en fin de contrat que si elle le décide et moyennant le versement d'une indemnité au concessionnaire.
13) Les biens propres sont ceux utilisés de manière accessoire pour les besoins du service par le concessionnaire et lui demeurent acquis.
14) Dans le cadre d'une concession pour la construction et l'exploitation d'infrastructures de télécommunications à haut débit, les biens de retour doivent comprendre, au moins, les infrastructures (fourreaux, chambres de tirage, pylônes, …) et les équipements indispensables au fonctionnement et à la continuité du service public.


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