Réponse à l’appel à commentaires " téléphonie sur Internet "

Contribution modeste Eric DOMAGE, Journaliste, Computer Channel

Ma contribution ressemble à celle d’un journaliste : un peu désordonnée, ne rentrant pas dans une case ou débordant dans une autre. Je suis désolé de mettre à mal votre belle organisation.

Pour avoir enquêté en Suède sur les premières offres de Téléphonie Grand public sur Internet, je voudrais attirer votre attention sur plusieurs conséquences de cette apparition

1/ La Téléphonie grand public sur Internet est un produit "économique" 

Il faut bien examiner et peser l’ensemble des termes. La téléphonie sur Internet est bien le procédé qui consiste à faire circuler sur le réseau des réseaux des communications téléphoniques poste à poste compressées sous le protocole IP. Ces communications, comme toute information circulant sur le Web, subissent l’aléa majeur du réseau : la non-maîtrise de la bande passante.

Cet inconvénient majeur est déterminant pour la qualité des communications. Un réseau fluide et administré, du type Intranet, permet d’offrir une bonne qualité aux appels IP.

France Télécom, par exemple, utilise son Intranet pour faire circuler des appels IP entre ces différents services aux Etats-Unis.

RSL Com, opérateur inscrit en France, propose de vendre des minutes d’appels IP circulant sur son réseau mondial privatif, Delta Three, sorte d’intranet mondial.

Un réseau non contrôlé peut empêcher toute compréhension, voire "confisquer " quelques paquets de voix.

De ce fait, la clientèle grand public visée est une clientèle sensible à l’argument prix, aux dépends d’une certaine qualité. Chacun sait, et peut imaginer les dangers de ce moins-disant financier.

Je me permets de soumettre la proposition suivante :

En présence d’offres "économiques", le régulateur devrait pouvoir organiser ou susciter le contrôle de la qualité de la prestation vendue et, pourquoi pas, recourir à une méthode de classification de la qualité. Les opérateurs, ou revendeurs, devront, par exemple, faire état de la technologie retenue, ( passerelles, réseaux, protocoles…) indiquer les "chemins" proposés  ( artères, routage…), les débits garantis ou proposés.

On peut très facilement imaginer la mise au point de standards de qualité administrés par un groupement d’agrément (type NF) ou directement par le régulateur.

Cette action en amont de la mise sur le marché des offres est à mon avis primordiale.

Les populations intéressées au premier chef par cette téléphonie " low-cost " fréquentent, pour la plupart, les petites échoppes de téléphonie à bas prix dont il n’est pas difficile de constater qu’elles ne font pas œuvre de clarté…ni de charité. Ces standards permettraient l’accès à tous à une téléphonie bon-marché mais de qualité suffisante pour assurer l’égalité de tous devant le service.

Le téléphone n’est plus un luxe, il doit être accessible à tous. Si l’on considère que la téléphonie sur IP permet à des populations éloignées de leurs racines de garder le contact, on comprendra l’importance d’un certain encadrement !

2/ La téléphonie sur Internet est une vitrine

La Suède compte plus d’offres de téléphonie sur IP que de clients. Cette situation tient au fait que les opérateurs se livrent une bataille coriace pour les gains (ou le maintient ) de leurs parts de marché. Un cabinet d’analystes Suédois, AB Stelacon, chargé d’une étude annuelle sur la situation du marché des télécommunications en Suède constate que la téléphonie sur IP est plus utile à la publicité des opérateurs qu’au confort de ses clients.

A bien y regarder, les offres de téléphonie sur Internet n’ont pas de réalité suffisante pour assurer qu’elles font progresser le marché. Dans ce domaine plus qu’ailleurs, le régulateur devra s’attacher à vérifier, et valider, la réalité des offres.

Il me paraît utile que les offres de services soient assorties d’un dépôt de dossier type "exposé des moyens mis en œuvre " qui puisse donner lieu à vérification. L’internationalisation de la technologie et des opérateurs laisse la porte ouverte à quelques ingénieux maladroits qui trouveraient dans le public "low cost " une cible idéale pour quelques belles arnaques ! 

3/ Il n’y a pas que la voix !

Mon dernier chapitre portera sur les autres possibilités de transmissions sur Internet. Il existe déjà quelques offres de fax sur Internet, portées par des opérateurs français. Le fax sur le net est aussi un moyen économique de faire circuler l’information. Il est, pour l’instant, largement utilisé pour faire circuler des gros volumes. Là aussi critères de qualité et vérifications en amont doivent se mettrent rapidement en place afin d’éviter les mêmes effets induits par l’arrivée d’une téléphonie "low-cost ".

Conclusion

Pour conclure, j’insisterais tout particulièrement sur cette proposition de qualification de la qualité. En regardant de près le marché de la téléphonie sur IP en Suède, on constate que ces offres constituent des têtes de ponts de systèmes et d’offres plus élaborées et plus complexes.

Les opérateurs dominant Télia (qui a créé une filiale dédiée à cette nouvelle téléphonie à bas prix, Télia Light ) et Télé2 n’hésitent pas à affirmer que le protocole IP est le protocole du futur immédiat pour le transport de la voix sur les réseaux alternatifs ( câble, GSM…), voire sur les réseaux classiques.

Qualifier la qualité des offres, c’est habituer le marché à respecter des engagements de qualité.

Qualifier la qualité de ces offres, c’est habituer les consommateurs à un service de qualité minimale.

Qualifier ces offres, c’est éviter l’apparition d’un téléphone des pauvres, préjudiciable au progrès d’une société solidaire

Eric DOMAGE, Journaliste
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