Appel à commentaires Téléphonie sur IP / Avril 1999
Synthèse de la contribution de Cegetel

Un marché dont l'évolution diffère selon les terminaux

L'introduction de la voix sur IP dans le marché des télécommunications a deux grandes conséquences :

· une évolution "du point de vue du client", dans laquelle peu à peu les communications téléphoniques viendraient se superposer aux échanges internet, donc à partir d'un terminal de type PC. On pourrait alors parler plutôt de "téléphonie sur internet", ou "de PC à PC".

· une évolution "du point de vue des opérateurs", où la technologie IP se substituerait aux technologies "circuits" jusqu'ici utilisées pour la téléphonie vocale. Cette évolution, apparemment transparente pour l'utilisateur qui conserverait un téléphone classique lorsqu'il souhaitera passer une communication vocale, pourrait être qualifiée de "transition des opérateurs vers la technologie IP". Elle concerne pour l'instant principalement les opérateurs de transport.

Ces deux évolutions sont décorrelées dans le temps.

· Cegetel considère que les applications de "voix sur internet" ("de PC à PC") n'apparaîtront massivement que sur le long terme. A court terme comme à long terme, cette application sera de toute façon marginale au sens où elle viendra se superposer aux échanges internet actuellement fournis au consommateur final par les ISP. A ce titre, ce type d'applications ne requiert pas l'introduction d'une catégorie réglementaire particulière.

· un point d'achoppement concurrentiel important subsiste à court terme : Aujourd'hui, seul France Télécom détient les données de l'annuaire. L'utilisation de ces données, sur internet, par le groupe France Télécom (via le site web de l'ODA) couplée à une mise en relation téléphonique directement depuis le terminal internet donnerait un avantage indu à l'opérateur historique. France Télécom, par le biais d'expérimentations, s'engage déjà dans cette voie. Il semble important, dans l'attente de la création de la base de données "annuaire universel", que soient prises des mesures d'encadrement de telles initiatives.

La "transition des opérateurs vers les technologies IP" fait apparaître à la fois des opportunités et des menaces de plus court terme pour un opérateur de réseau longue distance.

Une évolution du point de vue des opérateurs : architectures et normes

Parmi les diverses catégories d'offres de services de téléphonie sur Internet/IP, nous nous sommes attachés à décrire les trois principaux : PC à PC, PC à Téléphone et Téléphone à Téléphone. Les offres de type " passerelle personnell " qui, dans un premier temps, présentaient des caractéristiques très proches du service PC à PC et dont la nouvelle version se rapproche plutôt de la configuration PC à Téléphone, n'ont pas été examinées.

Les offres recensées peuvent s'appuyer sur des architectures de réseaux variées incluant, s'agissant des services faisant intervenir au moins un téléphone classique, deux composantes essentielles : la "gateway", qui assure notamment l'interface entre réseaux à commutation de circuits et de paquets, ainsi que le codage et le décodage de la voix, et le "gatekeeper", qui prend en charge en particulier les fonctions de traitement des informations de gestion des abonnés.

Ces deux composantes, ainsi que les terminaux ont fait l'objet de nombreux travaux de normalisation au sein du groupe de travail 15 de l'UIT. La spécification H.323 a ainsi été approuvée en 1996 et fournit une base pour les communications audio, vidéo et données à travers des réseaux IP, dont Internet. Des travaux de normalisation sont en cours au niveau de l'ETSI et de l'IETF également. Toutefois l'adoption généralisée des normes permettant l'interopérabilité entre les réseaux et la garantie d'une qualité de service comparable à celle en vigueur sur les réseaux à commutation de circuits est loin d'être achevée à ce jour. De plus, s'agissant des terminaux de type PC, les logiciels et algorithmes de compression indispensables pour la fourniture du service de téléphonie sont aujourd'hui tous propriétaires et n'assurent qu'un degré d'interopérabilité relativement faible.

Une évolution pour le client final : de nouveaux services

De ce fait, à l'heure actuelle la concurrence que livre la téléphonie sur Internet à la téléphonie classique se situe essentiellement au niveau des prix. Le caractère aléatoire de la qualité de service offerte constitue encore un frein au développement d'un marché de masse. Au-delà des problèmes d'interopérabilité, la qualité de service dépend aussi et avant tout de la capacité disponible des réseaux traversés et devrait s'améliorer fortement avec la généralisation de mécanismes de contrôle des débits, de mise en file prioritaire et de différenciation des divers types de flux de trafic. Cette amélioration nécessite d'importants investissements de mise à niveau des infrastructures et des méthodes de tarification plus appropriées aussi bien au niveau des intervenants de la chaîne de valeur que du consommateur final.

Les premiers fournisseurs de services de téléphonie sur Internet étaient des fabricants de logiciels, mais le cercle des offreurs ne cesse de s'élargir et inclut de plus en plus d'opérateurs de télécommunications, de fournisseurs de réseaux dorsaux IP et d'ISP. L'intérêt de ces trois dernières catégories d'acteurs et en particulier des firmes disposant de leurs propres infrastructures, n'est pas forcément d'offrir un service téléphonique de "qualité médiocre" et bon marché à une clientèle de niche mais d'élargir le marché en opérant une segmentation au niveau de la qualité et la variété des services offerts.

La tarification indépendante de l'usage, en vigueur aujourd'hui dans le monde Internet, devrait être remplacée alors par des formules tarifaires tenant compte de l'usage : proches de ce qui existe pour la téléphonie classique ou plus probablement, compte tenu de la spécificité des réseaux IP, fonction du débit et de la qualité de service garantis. Ce dernier type de tarification commence déjà à se répandre dans les relations entre intervenants de la chaîne de valeur des services Internet et devrait être répercuté à terme au niveau du consommateur final. Une telle tarification semble adéquate surtout dans un contexte d'offre de "bouquets de services" et de qualité de service garantie permettant à l'usager de choisir librement les services, la qualité et le prix relatif qui lui conviennent.

Cette évolution ne requiert pas de modifications du cadre réglementaire à moyen terme :

L'introduction progressive des technologies IP va donc modifier l'économie du secteur, et un contournement des droits et obligations des acteurs L.33-1 et L.34-1 classiques devient possible. Un exemple concret de ce contournement : le développement d'échanges téléphoniques de PC à PC, sur internet, peut se faire en dehors du cadre des licences.

Néanmoins, à court terme, il ne semble pas que ces contournements remettent en cause l'équilibre du schéma des licences actuel.

Cegetel considère que le régime réglementaire actuel, qui distingue les services de téléphonie vocale de type L.34-1 et les autres services de type L.34-2, permet d'assurer une transition vers les nouvelles technologies IP.

Les acteurs utilisant la technologie IP (ou achetant son service à un opérateur L.33-1 utilisant la technonogie IP) sont éligibles à des licences L.33-1 et L.34-1 et donc aux droits qui les accompagnent, à condition bien entendu qu'ils respectent strictement les obligations qui y sont attachées.

Un opérateur autorisé utilisant la technologie IP devra assurer trois grands types d'activités, ce qui balancés par trois grands types de droits :

· L'interopérabilité avec les autres opérateurs L.33-1, le transfert de services entre deux extrémités d'un réseau est le pendant naturel du droit à l'interconnexion. Si cette interopérabilité n'est pas assurée, il nous semble qu'une procédure contentieuse a posteriori, sur la base des obligations actuelles des licences L.33-1, permettra d'effectuer une régulation du secteur. L'ART, si elle souhaitait limiter les risques de recours à une régulation ex-post, pourrait, dans son analyse des demandes de licence, s'attacher à vérifier la conformité à certains protocoles qu'elle a définis.

· La fourniture du service téléphonique au public doit être analysée au regard des cinq critères qui le caractérise. Dès lors qu'un opérateur utilisant la technologie IP est en mesure de démontrer à l'ART qu'il respecte ces critères, une licence ne peut pas lui être refusée. Là encore, une infraction de ces critères doit pouvoir être réglée a posteriori sur la base des cahiers des charges des licences L.33-1 et L.34-1 tels qu'ils existent actuellement. La qualité de service perçue par le client final peut être moindre que celle de la téléhonie fixe utilisant le RTCP classique, mais cette différenciation est un critère commercial.

· Le droit à la présélection pour des opérateurs utilisant la technologie IP repose sur la fourniture d'un service de commutation. La question de savoir si la technologie IP inclut ou non un service de commutation doit être éclaircie. Il semble à Cegetel que ce soit le cas : La technologie IP repose (entre autres choses) sur une commutation de paquets et non pas de circuits.

A long terme, des questions structurantes

A plus long terme, l'utilisation des technologies IP deviendra majoritaire sur les réseaux des opérateurs ouverts au public. Des questions structurantes devront alors être réglées. On peut citer quelques exemples :

· Les règles d'interconnexion doivent-elles évoluer et si oui, comment ?

Þ Il semble par exemple clair pour Cegetel, qu'une interconnexion IP/IP entre deux opérateurs L.33-1 devrait relever du régime actuel de la LRT

Þ Quelle évolution des protocoles de signalisation ?

· Quelles règles en matière d'adressage ?

Þ Octroi des adresses IP aux opérateurs ?

Þ Relations numérotation géographique/adressage IP


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