Communiqué de presse - Collectivités territoriales

L’Autorité publie une série d’études qu’elle a fait réaliser, en partenariat avec la Caisse des Dépôts, sur l’intervention publique et ses impacts concurrentiels dans différents pays (Etats Unis, Corée, Royaume-Uni, Irlande, Espagne, Allemagne et Italie)

Paris, le 29 avril 2005

Le haut débit connaît en France une croissance considérable et devient un élément important pour la compétitivité des entreprises. Il fait partie des préoccupations publiques, tant pour l’Etat que pour les collectivités locales. Le Parlement a en effet adopté en juin dernier la loi pour la confiance dans l’économie numérique qui, en modifiant l’article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales, a autorisé celles-ci à investir dans le développement des réseaux de télécommunications.

Afin de contribuer à la réflexion sur la coordination souhaitable des investissements publics et privés, l’Autorité de régulation des télécommunications et la Caisse des Dépôts ont fait réaliser par plusieurs cabinets de consultants (Wik, Analysys, Le Channel, Between) une série d’études sur l’intervention publique et ses impacts concurrentiels dans différents pays : Etats-Unis, Corée, Grande-Bretagne, Irlande, Espagne, Allemagne et Italie. Dans un souci de transparence et d’information, ces études sont aujourd’hui rendues publiques.

Quels enseignements peut-on en tirer ?

  • Le marché du haut débit, un marché en forte croissance dans tous les pays

Dans tous les pays étudiés, le marché du haut débit se caractérise par un développement de grande ampleur et occupe une place de plus en plus importante dans les préoccupations des acteurs publics et privés. Le nombre d’abonnés haut débit a ainsi plus que doublé dans les pays étudiés entre 2002 et 2004.

Toutefois, les opérateurs ayant pratiqué une politique différente suivant les pays, des différences substantielles de taux d’équipement ont été constatées, par exemple entre la Corée, dont le marché est presque saturé (78 % des foyers étant connectés en haut débit) et l’Irlande, dont seulement 1,7 % de la population (soit environ 5 % des foyers) disposait d’un abonnement haut débit en juin 2004.

Ces disparités sont renforcées par les différences de prix et de services constatées entre les pays étudiés. Ainsi par exemple, alors qu’en France les tarifs des abonnements haut débit sont compris entre 15 et 30 euros et que des offres triple play sont disponibles pour plus de la moitié de la population, les tarifs restaient de l’ordre de 70 à 80 euros en 2004 en Espagne pour une offre 512 kbit/s.

Enfin, la concurrence entre opérateurs s’exprime sur des modes très divers : le dégroupage se développe rapidement en Allemagne et en Italie, alors qu’il reste presque inexistant aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Dans ces pays, en revanche, l’existence de câblo-opérateurs puissants permet le développement d’offres concurrentielles sur la boucle locale et même l’émergence de boucles locales de nouvelle génération FTTx, privées et publiques.

  • Des différences constatées entre zones urbaines et zones rurales

L’économie des réseaux de télécommunications est fondée sur les économies d’échelle et le partage des coûts fixes entre les utilisateurs. Les conditions économiques de déploiement des services sont donc plus favorables dans les zones urbaines denses que dans les zones rurales faiblement peuplées.

Dans tous les pays étudiés, on observe une différence de taux de pénétration entre les territoires desservis et ceux qui restent à l’écart du haut débit. Celui-ci s’est en effet développé prioritairement dans les grandes agglomérations, tandis que certaines zones rurales ne sont toujours pas desservies par les opérateurs. Il convient toutefois de noter que l’accessibilité du haut débit au sein des populations est en croissance importante dans tous les pays. Ainsi, au Royaume-Uni, près de 90 % de la population pouvait accéder au haut débit en juin 2004, contre moins de 60 % deux ans plus tôt.

Dans certains pays, le débat s’est porté sur le développement d’offres différenciées entre les zones denses, qui bénéficient de la concurrence entre opérateurs et dans lesquelles des services innovants et performants à bas prix sont proposés, et les zones moins denses dans lesquelles le haut débit, bien que disponible, reste plus cher et moins performant. Cette " fracture numérique " peut se révéler préjudiciable pour les entreprises, et induire des différences de productivité entre les zones du territoire bien desservies et d’autres, plus défavorisées.

  • L’intervention des acteurs publics

Historiquement, les collectivités locales sont intervenues dans le secteur des télécommunications pour des raisons économiques : elles souhaitaient disposer de leur propre réseau afin de s’affranchir des opérateurs pour leur consommation téléphonique. Par ailleurs, elles disposaient parfois de réseaux d’eau ou d’électricité et ont vu dans la libéralisation du secteur des télécommunications une opportunité de tirer profit de ces réseaux. Ce modèle a présidé à la création des city carriers allemands, adossés aux utilities locales, ou à l’intervention publique à Parme, avec la création d’une joint-venture entre une utility locale et un opérateur national.

Cette démarche est encore présente aujourd’hui dans les grands programmes anglais d’agrégation de la demande : e-éducation, e-santé… repris, par exemple, dans le projet du Cambridgeshire Community Network.

Ces dernières années, l’intervention publique s’est recentrée sur la réduction des " fractures numériques ", le développement territorial et l’action pour la compétitivité des territoires.

L’extension des réseaux DSL est souvent réclamée aux pouvoirs publics. Les opérateurs historiques BT au Royaume-Uni, Eircom en Irlande ou Telecom Italia en Italie négocient avec leurs gouvernements respectifs afin de définir la liste des répartiteurs qui devront bénéficier de subventions pour pouvoir être équipés. En Allemagne, en revanche, le débat sur la " fracture numérique " débute seulement et Deutsche Telekom ne réclame aucune aide de l’Etat.

Depuis peu, les acteurs publics entendent également influer sur l’offre de services compétitifs sur l’ensemble du territoire.

Dans cette catégorie entrent les projets triple play développés par certaines communes américaines sur des réseaux en fibre (technologies FTTx), suite naturelle des projets de réseaux câblés locaux nés d’un mécontentement sur le niveau des services, ou le projet italien de développement d’un réseau câblé dans les campagnes toscanes. Mais également les réseaux publics ouverts, accessibles par l’ensemble des opérateurs, construits par les collectivités françaises, les communes suédoises ou les provinces espagnoles. Ces réseaux subventionnés permettent de créer une concurrence par les infrastructures entre l’opérateur historique et ses concurrents utilisant l’infrastructure publique.

  • Les acteurs publics impliqués

Selon les pays, les acteurs publics qui interviennent sont très divers.

En Europe, il faut tout d’abord souligner le rôle majeur des fonds européens, comme le FEDER, qui peuvent être attribués aux projets de développement économique local. Ces fonds ont été utilisés pour les réseaux de télécommunications dans la majorité des projets publics au Royaume-Uni, en Irlande, en Italie, en Espagne ou en France.

Une action centralisée, au niveau de l’Etat, a été entreprise dans certains pays. Ainsi, le gouvernement irlandais a mené lui-même les projets de développement des infrastructures en fibre dans le pays, et les programmes de réduction de la " fracture numérique " dans les villages de moins de 1.500 habitants. Le gouvernement italien, à travers une agence de développement (Infratel), mène le déploiement des réseaux dans le sud de l’Italie. Enfin, l’exemple le plus marquant est celui du gouvernement coréen, qui a conduit huit plans nationaux successifs afin de faire de son pays un leader mondial des TIC.

Dans d’autres pays, en revanche, l’action des pouvoirs publics est fortement décentralisée. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en France, des fonds de soutien étatiques existent, mais les projets sont portés au niveau régional et local. Les agences de développement régionales, en Ecosse, Irlande et Espagne par exemple, jouent un rôle primordial dans la mise en place d’un plan stratégique articulé et cohérent qui rassemblent les acteurs locaux autour d’objectifs communs comportant des volets infrastructures, services et usages.

Dans de nombreux cas, les projets sont alors mis en œuvre par des utilities locales. Celles-ci détiennent déjà des réseaux, ce qui permet de réduire le coût de déploiement et les demandes de droits de passage. Ces utilities sont notamment à la base des projets FTTx américains ou des city carriers allemands. Cette structure de projet donne souvent naissance à des opérateurs locaux, dont le profil est différent des grands opérateurs nationaux ou internationaux. En effet, s’ils ne bénéficient pas d’économies d’échelle conséquentes, ils sont solidement ancrés dans leur territoire et accompagnent les besoins des entreprises et des administrations locales. Ils parviennent ainsi souvent à acquérir une part de marché substantielle sur le marché local, en particulier sur le marché professionnel.

  • Les structures juridiques utilisées

Les modalités juridiques de l’intervention publique sont multiples, adaptées aux cadres législatifs particuliers de chaque pays :

  • Des prêts de long terme ont été utilisés en Espagne pour inciter des acteurs privés à investir dans des projets ne présentant pas de rentabilité à court terme.
  • Pour les programmes d’agrégation de la demande publique, des montages similaires aux partenariats publics privés français ont pu être utilisés, tel le " PFI " anglais.
  • Enfin, quand les collectivités souhaitent conserver la propriété des réseaux construits, plusieurs modalités sont utilisées :

- le recours à une utility dépendant de la collectivité ;

- une intervention directe, parfois comparable à une régie française ;

- un modèle de délégation, utilisé en France et en Espagne.

  • Les impacts de l’intervention publique

Il est relativement délicat de dresser aujourd’hui un bilan détaillé de l’intervention publique dans le secteur. En effet, de nombreux projets publics sont encore au stade de la conception ou de la construction des réseaux. Quant aux projets déjà en service, ils le sont souvent depuis peu.

Toutefois, certains éléments clef peuvent d’ores et déjà être mis en exergue :

  • les investissements publics varient fortement selon les pays. Leur montant peut être important, tout en restant inférieurs aux investissements privés dans le secteur ;
  • l’intervention publique aura un impact sur la couverture du territoire, permettant d’équiper des zones qui seraient restées à l’écart ou d’accélérer le processus ailleurs ;
  • elle permet également parfois d’accroître la concurrence dans des zones de monopole naturel, bien que tous les réseaux publics ne soient pas construits sur un modèle " ouvert " ;
  • enfin, l’intervention publique a eu le plus souvent des impacts indirects forts : elle permet une prise de conscience de la " fracture numérique ", favorise la diffusion des usages, élargit donc le marché potentiel pour les opérateurs et incite ceux-ci à déployer leurs services plus rapidement pour éviter la concurrence d’un acteur public ou subventionné.
  • Conclusion

1/ Le haut débit apparaît comme l’un des principaux axes de développement local dans tous les pays étudiés.

2/ Aucun pays n’a encore atteint une couverture intégrale de son territoire sans aide publique. Toutefois, l’ampleur de celle-ci est très variable. Elle peut aller d’une subvention directe pour l’extension de couverture à un territoire à une implication importante des collectivités locales dans la construction de réseaux ouverts de nouvelle génération.

3/ L’intervention publique se fait le plus souvent en accord avec les acteurs économiques, bien que, dans tous les pays, les projets fassent l’objet de débats avec les opérateurs, qui sont à la fois des concurrents et des partenaires. Cette intervention publique permet une accélération de la diffusion des services liés au haut débit. L’action décentralisée donne parfois lieu à l’apparition d’acteurs locaux, à l’économie difficile mais bien implantés sur leur territoire et concurrençant localement les acteurs nationaux.


Les documents associés

 La synthèse globale (pdf - 143Ko)  en téléchargement (pdf)

Les études citées dans ce communiqué peuvent être téléchargées :

Les pays
Intitulés
A télécharger
Allemagne
Pour cette étude, réalisée par le cabinet Wik, vous trouverez un fichier ZIP contenant les documents suivants :
- une synthèse
- un panorama général
- Trois études de cas :
  • Une présentation du City Carriers 3T
  • Une présentation du City Carriers ISIS
  • Une présentation du City Carriers Tropolys
    - Version anglaise de l'étude
L'ensemble des documents :
 4,3 Mo - zip (zip - 4.28Mo) 

English documents :
 962 Ko - zip (zip - 0.94Mo) 
Corée
Pour cette étude, réalisée par la Caisse des dépôts, vous trouverez un fichier ZIP contenant les documents suivants :
- une synthèse
- un panorama du marché haut débit
- un document présentant la politique publique en matière de TIC
- un document présentant les plans nationaux haut débit
L'ensemble des documents :
 897 Ko - zip (zip - 898Ko) 
Espagne
Pour cette étude, réalisée par le cabinet Analysys, vous trouverez un fichier ZIP contenant les documents suivants :
- une synthèse
- un panorama général
- Trois études de cas :
  • Une présentation du projet " Andalousie ", en version française et en version anglaise
  • Une présentation d'un projet " CPL ", en version française et en version anglaise
  • Une présentation du projet " ens Gestor ", en version française et en version anglaise
L'ensemble des documents :
 1,9 Mo - zip (zip - 1.87Mo) 

English documents :
 677 Ko - zip (zip - 678Ko) 
Etats-Unis
Pour cette étude, réalisée par le cabinet Le Channel, vous trouverez un fichier ZIP contenant les documents suivants :
- une synthèse
- un panorama du marché haut débit
- un document présentant les projets " fibres "
- un document présentant les projets " hertziens "
L'ensemble des documents :
 3,5 Mo - zip (zip - 3.49Mo) 
Irlande
Pour cette étude, réalisée par le cabinet Analysys, vous trouverez un fichier ZIP contenant les documents suivants :
- une synthèse
- un panorama général
- Trois études de cas :
  • Une présentation du projet " ESB ", en version française et en version anglaise
  • Une présentation du projet " Group Broadband Scheme ", en version française et en version anglaise
  • Une présentation du projet " Irish Man ", en version française et en version anglaise
L'esemble des documents :
 4,2 Mo - zip (zip - 4.16Mo) 

English documents :
 1,7 Mo - zip (zip - 1.71Mo) 
Italie
Pour cette étude, réalisée par le cabinet Between, vous trouverez un fichier ZIP contenant les documents suivants :
- une synthèse
- un panorama
- Quatre études de cas :
  • Une présentation du projet " Emilia Romagne "
  • Une présentation du projet " National pour le Sud "
  • Une présentation du projet " Parme "
  • Une présentation du projet " Sienne "
L'ensemble des documents :
 5 Mo - zip (zip - 4.95Mo) 
Royaume Uni
Pour cette étude, réalisée par le cabinet Analysys, vous trouverez un fichier ZIP contenant les documents suivants :
- une synthèse
- un panorama général
- Deux études de cas :
  • Une présentation du projet " Cambridge ", en version française et en version anglaise
  • Une présentation du projet " North East ", en version française et en version anglaise
L'ensemble des documents :
 1,4 Mo - zip (zip - 1.46Mo) 

English documents :
 477 Ko - zip (zip - 477Ko) 
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